Lesram, le diamant brut
La Seine-Saint-Denis est incontestablement l’un des hauts lieux de l’histoire du rap français. Il suffit de constater le nombre de légendes provenant du 93 pour n’avoir aucun doute quant à l’importance de cet endroit pour la construction de la culture hip-hop française.
Petite commune de ce département où le rap est ancré comme une tradition, le Pré-Saint-Gervais ne déroge pas à la règle, et possède un représentant digne de ce nom. Vous l’aurez compris, nous allons nous intéresser à Lesram au cours de cet article. Survêt fluo et Asics de rigueur, on sort Porte du Pré.
Bien qu’encore (trop) peu connu aux yeux du grand public, Lesram est loin d’être un rookie. On retrouve facilement sur YouTube un freestyle datant de 2012 où on discerne sans aucun mal les prémices du style du très bon rappeur que Lesram allait devenir. Durant cette même période, Lesram rencontre les futurs membres du Panama Bende lors d’open mic organisés dans des MJC. Ayant approximativement le même âge et des influences communes, le groupe se formera naturellement et réalisera par la suite deux projets. Lesram sera également membre de LTF avant qu’il ne quitte finalement le collectif en 2018.
Ces groupes étant constitués de nombreux membres, ses apparitions se font assez courtes, créant de la frustration chez ses amateurs. Cela poussera même les plus motivés d’entre eux à réaliser des compilations regroupant ses meilleurs couplets, issus de projets de groupe ou extraits de freestyle.
(Nb : la fameuse wesh enfoiré compilation)
C’est d’ailleurs dans cet exercice que Lesram excelle. Le freestyle lui permet d’étaler toutes ses qualités de rappeur. On peut évoquer sa prestation lors du planète rap du Panama Bende ou encore ses apparitions sur les différents Grünt auquel il a pris part, la dernière en date étant sur celui de Limsa où les avis à son égard sont unanimes.
On peut alors se demander, pourquoi n’entend-on pas plus parler de Lesram ?
Tout d’abord, il faut préciser que Lesram est quelqu’un de très discret (il suffit de regarder une interview du panama pour s’en rendre compte), et qu’il communique très peu sur ses réseaux sociaux. Très peu de promotion donc, qui est assurée essentiellement par ses fans, ses amis rappeurs et les médias rap.
Il faut aussi évoquer son irrégularité en solo. Jusqu’en 2019, Lesram n’avait que 4 clips disponibles sur sa chaîne YouTube, et un unique morceau disponible sur les plateformes de streaming ! Dans l’ère de la surconsommation musicale, une si faible productivité additionnée avec une mauvaise communication limitent fortement les chances de voir sa carrière décoller. Ses clips sont souvent réalisés à moindre coût, et les morceaux ne sont pas toujours bien mixés, à l’image de l’excellent #BIGO uniquement réalisé à partir de « memories snapchat ».
Néanmoins, Lesram est conscient que cette faible productivité l’empêche de monter plus haut, mais cela ne le dérange pas dans la mesure ou il fait cette musique d’abord par passion. Il aime le rap, et il tient à cette spontanéité dans son rapport avec la musique. A l’inverse de PLK, qui déclare par ailleurs que Lesram est son rappeur préféré, il ne souhaite pas faire de concessions ni même de compromis afin de gagner en popularité, à l’image de ceux qui l’ont influencés, comme Nubi ou encore Salif, parfois qualifiés de « rois sans couronne ».
A la base moi j’voulais percer mais bon j’ai compris qu’c’est plus complexe
Lesram – Le Monde Est A Moi (2020)
Si t’es mis en avant on t’suce ton sexe, l’auditeur écoute plus ton texte
Néanmoins, depuis l’an dernier les sorties de Lesram ont gagnés en régularité, avec la parution successive de #PDP et #Boosté où on retrouve le rappeur du Pré aussi efficace qu’à l’accoutumée, suivi du touchant J’repense ou Lesram se livre sur des moments douloureux de son existence. On espérait que ces morceaux annonçaient la sortie d’un projet, et c’est ainsi qu’en mai Lesram nous a offert son premier projet solo G-31, constitué de 7 titres exclusifs. Celui-ci constitue une réelle carte de visite pour l’artiste qui nous donne un aperçu cru de son quotidien dans les rues du 93310.
Sur le fond, on retrouve une narration très précise, désabusée et un brin cynique qui dépeint le quotidien de la vie en banlieue sous tous ses différents aspects. Ainsi, l’ennui, la drogue, la police, le temps qui passe, l’amitié ou encore le rêve de s’en sortir sont des thèmes récurrents dans le projet. La musique est un exutoire qui lui permet d’extérioriser ses humeurs, ses angoisses et ses envies.
Et si j’veux parler de mon seum je sais que mon cro-mi l’traduira
Lesram – East Side (2014)
Tout le monde s’accordera pour dire que Lesram écrit bien. Il affectionne tout particulièrement les rimes assez complexes qu’il prononce en appuyant sur la dernière syllabe. Catalogué à juste titre comme un rappeur technique, il possède un timbre de voix très reconnaissable et une prononciation qui lui est propre, rendant sa signature vocale très facile à identifier.
Le projet est varié, on retrouve des instrumentales boom-bap sur East Side 2.0, des productions reprenant des codes du rap marseillais imposés par Jul sur Red Dead, et des beats trap plus communs, comme sur Le monde est à moi. Lesram s’adapte parfaitement à toutes ces productions, ce qui n’étonnera personne quand on connaît son aisance en freestyle.
G-31 est un premier test réussi pour le rappeur du 3.1.0, néanmoins, comme on pouvait s’y attendre, le projet n’a pas fait beaucoup de bruit hors du cercle des amateurs de rap français, mais c’est pourtant loin d’être un échec car nombreux sont les auditeurs qui cherche encore aujourd’hui du rap « sans édulcorant ».
Plus ou moins destiné à rester de la musique de niche, la communauté qu’il a su rassembler autour de sa musique est solide et continuera de le soutenir. Espérons que ce premier projet n’est qu’un début et que le rappeur du Pré nous réserve une suite. Lesram c’est cru, c’est spontané et c’est pour ça qu’on l’apprécie. Le talent brut, pas forcément accessible, mais sans artifices. Maintenant que vous êtes prévenus, allez streamer G-31 au lieu de dire que le rap va mal.
Merci à arocksmith pour la photographie.
Instagram : @arocksmith
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