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Interview Rome Streetz

Interview Rome Streetz

Après des années à enchaîner les sorties de mixtapes, le découpeur de prods new-yorkais Rome Streetz vient de connaître la consécration avec un premier album, Kiss the Ring, sur le label Griselda et un projet avec Big Ghost Ltd. Il a répondu à nos questions juste avant son passage sur la scène de La Place pour la date parisienne de la première tournée mondiale à son nom.


Cul7ure : Comment es ce que tu as commencé à rapper ?

Rome Streetz : Le déclencheur, ça a été la cantine de mon école. Je voyais plein de gamins de classe rapper, j’étais pas au courant. Je les écoutais et je me disais “ils sont pas si bons que ça !”. Si eux pouvaient le faire, moi aussi. C’est ça qui m’a fait commencer, je rajoutais mes propres paroles sur les morceaux du moment avec mes potes, on faisait des petits sons débiles.

7C : Dans tes rimes, on trouve beaucoup de mentions des endroits du monde ou le rap t’as permis d’aller. Comment se passe ta tournée Kiss the Ring World Tour jusqu’ici ?

RS : C’est énorme, je ne peux même pas l’exprimer avec des mots. Chaque soir sur scène, je n’en reviens pas, tous ces gens sont vraiment là pour moi, dans un tout autre pays ! Je me souviens de l’époque où je galérais à vendre dix places de concert, maintenant je rappe partout dans le monde. J’ai fait un show quelque part en Géorgie, et apparemment j’étais le premier rappeur new-yorkais à m’y produire. Je laisse une trace dans l’histoire du rap, c’est incroyable. Être la tête d’affiche d’une date parisienne, ça fait quelque chose. J’ai fait du chemin.

7C : Puisqu’il s’agit de la tournée de Kiss the Ring, comment est-ce que cet album a changé ta carrière ? C’est loin d’être ton premier projet, mais d’une certaine manière il t’a amené à un autre niveau.

RS : Kiss the Ring a mis beaucoup de projecteurs sur moi. Dans le style de rap que je fais, Griselda est le plus gros label. Sortir un album sur le plus gros label m’a donné la plus grosse exposition possible, tout s’est passé comme prévu.

@franskaboi

7C : Tu as signé chez Griselda en 2021, comment t’es tu rattaché à une telle écurie et comment cette signature a-t-elle pu affecter ton processus créatif ?

RS : J’avais rencontré Westside Gunn quelques fois via des gens en commun et il connaissait ma musique. Un jour, il m’a appelé et m’a dit “Viens bosser sur de la musique, on va créer un truc”, et j’étais genre “Grave, ça a du sens”, voilà comment ça s’est passé ! Comme je te disais, ça m’a permis d’être entendu et vu par un nombre bien plus important de personnes. Maintenant que je sais ça, il faut que je sorte la meilleure musique de ma carrière.

7C : Tu as un nombre assez impressionnant de projets à ton actif, dont la série de mixtapes Noise Kandy. Quel regard portes-tu sur le format mixtape maintenant que l’âge d’or de Datpiff a été remplacé par le streaming ?

RS : Je pense que l’esprit des mixtapes est d’autant plus d’actualité. Aujourd’hui, les artistes peuvent directement offrir leur musique à leur public. Que tu fasses des millions de streams ou pas, il y a des façons de distribuer tes morceaux. Je peux sortir des vinyles et les gens voudront les collectionner. Que ce soit les albums ou les mixtapes, tout est exponentiel parce que le rap a plus d’auditeurs que jamais. Tu peux sortir de l’underground d’un jour à l’autre parce que Drake a mis la lumière sur toi. Un mec comme Benny fait son truc avec des gens complètement mainstream qui interagissent avec de vrais rappeurs, pas seulement la musique pour les clubs du moment.

7C : En parlant de tendances, pourquoi selon toi, ton son et celui de Griselda, héritier du son new-yorkais des années 1990, perdure contrairement à d’autres courants ? 

RS : Je pense que ce style vivra toujours parce que c’est l’essence du rap. Quand quelque chose est vraiment bon, il devient éternel. Les gens écoutent encore Isaac Hayes, ils écoutent toujours Thriller aussi. Cet album est sorti en 1982 ! La bonne musique ne meurt jamais. Si ton son est bon, les gens vont graviter autour, tout le monde ne se soucie pas forcément des tendances.

7C : Cette année, tu as sorti le projet Wasn’t Built in a Day avec Big Ghost Ltd.  À quoi ressemble la fabrication d’un projet avec un producteur aussi intransigeant ?

RS : C’était lourd, Big Ghost est quelqu’un avec qui je veux bosser et avec qui j’échange depuis longtemps. Quand tu traces ton chemin dans l’underground, c’est un mec incontournable quand tu veux signifier que tu as atteint un certain niveau. Regardez-moi ! C’était dans les tuyaux depuis longtemps, et c’était le bon timing. Bien sûr, je ne l’ai jamais rencontré, c’est un fantôme !

7C : Il y a des producteurs avec qui tu rêverais de faire un projet commun ?

RS : J’ai envie de faire un album entier avec The Alchemist. Peut-être quelque chose avec Knxwledge et  j’aime beaucoup Madlib aussi.

7C : Il y a un passage sur l’intro de ton dernier projet qui traite de Ken, Ryu et Eddy Gordo, les personnages des jeux vidéo Street Fighter et Tekken. C’est important pour toi d’être le personnage principal du game ou est-ce qu’il est possible de prospérer dans la marge ?

RS : Ah ouais, c’est le passage de mon pote Lukey Cage ! C’est le but d’être le perso principal. Mais bon, quand t’es bon, t’es bon. Je ne me compare pas trop, il y a un seul Rome Streetz, je suis le protagoniste de mon propre univers. Quand les auditeurs jouent à mon jeu, c’est moi qu’ils choisissent ! *rires* En tant que rappeur, c’est important de croire en soi, c’est cette assurance qui te permet de donner le meilleur de toi-même. Je suis le meilleur. Je suis Ken. Je suis Ryu. Je suis Akuma. Tu vois le truc ?

7C : Tu as dit en interview que tu étais devenu un grand lecteur lorsque tu étais en prison. Avec tout ce qui se passe dans ta carrière, trouves-tu toujours le temps de lire et est-ce que ça peut influencer ta musique ?

RS : Ouais, je lis encore des trucs. J’en télécharge plein sur mon téléphone, je profite de mes nombreux trajets en avion pour prendre le temps de lire. Ça impacte grave ma créativité, les livres, c’est ce qu’il y a de mieux pour ça. En tant que mec qui écrit, j’étudie d’autres artistes qui n’écrivent pas forcément de la musique.

7C : Tu documentes ta tournée sur YouTube, comment est venue l’idée de couvrir ton périple autour du monde ?

RS : Tout d’abord, shout out à mon pote ProlificKid, c’est le réalisateur qui est juste-là. L’objectif c’est d’avoir une capsule temporelle. Parfois on vit des choses sans les documenter, au risque de les oublier, donc c’est positif de garder une trace de mon évolution. On voit pas toujours ce qui se passe derrière le rideau, ça me tient à coeur d’être proche des gens qui me suivent en leur montrant des choses personnelles. Je suis inspiré quand je mate d’autres documentaires. J’ai fait tellement de trucs que je n’ai pas filmé, maintenant que ça marche pour moi, il faut que j’enregistre ça, voilà d’où vient l’idée. Je laisse une trace, quelque chose qui sera là plus longtemps que moi. Si les gens découvrent ma musique dans 50 ans, ils auront quelque chose à voir aussi !