Sonbest, l’invitation à un voyage aux couleurs mélancoliques
On évoquait dans un précédent article la perte d’originalité chez les artistes et le manque d’innovation chez ces derniers. Ils connaissent les codes qui font platines et se reposent parfois trop souvent dessus. Proposer son univers dans un paysage qui apparaît déjà comme saturé : pari risqué. Sonbest semble avoir réussi à proposer une plume et une identité bien singulière. Originaire d’Alsace, les projecteurs commencent à se tourner petit à petit vers lui. Présent sur les plateformes de streaming depuis cette année, c’est avec son premier EP Lotus, sorti au mois de juin, que Sonbest a imposé sa vision du rap. 18 minutes : voilà ce qui suffit pour mettre en avant tout un univers et apporter un vent frais au rap français.
Une plume qui empoisonne et qui séduit :
La mélancolie en guise de pilier fondateur attire inévitablement un public friand de ce type d’émotion solitaire. Sonbest retranscrit ses états-d’âme avec sincérité et un brin de toxicité dans le but de donner sens à l’univers qu’il propose, à la fois sombre et mélancolique. Le premier morceau Poison annonce la couleur : « Je prends de l’emprise sur ton mental » et porte la tracklist comme un fil rouge. Ses auditeurs doivent se plonger dans le voyage qu’il leur propose. Un voyage de 7 morceaux courts et impactants aux tendances Million Flowers (Laylow), Pourquoi (Vald) et Placebo (Dinos). Ces quelques inspirations sont perçues dans le thème général du projet mais l’artiste s’en détache avec aisance en amenant de l’inédit. Sonbest veut marquer les esprits en posant sur des mélodies nostalgiques, il veut contaminer ceux qui l’écoutent. Il apporte alors une vision plus élevée et lointaine des thèmes connus du rap français : « Pas l’temps d’mytho pour la street cred’ ». Le rappeur Alsacien se livre sur les vices qu’il peut connaître : la solitude, la rupture, la déception ou encore l’envie de revanche : « Avec toute cette tristesse je trouve l’inspiration ». L’ambiance qui se dégage est donc un brin fataliste et captivante. On ose croire qu’avec ce nom Lotus qu’il y a tout de même une recherche d’espoir à soigner les maux qui sont évoqués. Son dernier morceau Sad Love sorti en septembre semble le confirmer : « J’suis plus trop loin de la sortie du tunnel ». L’attente jusqu’à son prochain projet ne semble être qu’une escale. Nul doute que Sonbest nous propose à nouveau d’embarquer pour un voyage tout autant mélancolique et justement écrit.
L’univers retranscrit en images :
Sonbest apporte une importance au visuel qui rend cohérente toute son approche à prescrire un univers de A à Z. Si ses textes semblent déjà éloignés du lexique que l’on retrouve dans le rap français alors son empreinte artistique va encore plus vous surprendre. Osés et décalés voilà comment pourraient être qualifiés ses clips. C’est sombre, même dérangeant et à la fois émouvant. Le rap français réserve parfois de belles surprises et on remercie Sonbest ainsi que son équipe pour les travaux. Agonie (troisième morceau de Lotus) met en scène la dualité présente entre le bon et le mauvais. On a alors un retour à la bestialité où Sonbest est grimé en monstre, ce qui vient mettre en images un morceau déjà rempli de culpabilité et de mélancolie. Là encore, la qualité est privilégiée à la quantité puisque très peu de sons ont été clippé. Le dernier en date est donc Sad Love, qui reprend la même typographie et remet une seconde fois en lumière le sentiment de folie qui accompagne sa plume, partagée entre espoir et fatalisme.
Inévitable de dire que Sonbest possède toutes les cartes pour attirer une audience encore plus large. Maladroitement, le public a tendance à apprécier lorsqu’un artiste place la mélancolie au cœur de son écriture. C’est parlant, prenant et captivant. Le fil rouge de ses thèmes et la direction artistique établie ouvrent de nombreuses portes à Sonbest pour continuer à apporter sa pierre à l’édifice.