Echange avec Gracy Hopkins
A l’occasion de la sortie de la réédition ENCORE (TIME2020) de son projet TIME, sorti l’an dernier, on a pu échanger quelques mots avec Gracy (en appuyant bien le “A”) Hopkins.
Que ce soit dans sa musique ou au cours de cette interview, le premier détail qui frappe le plus, c’est sa sérénité. Après avoir parcouru les phobies et s’être cherché à travers différentes expérimentations artistiques, il semble aujourd’hui donner l’impression de s’être trouvé. Car, ENCORE est un projet plutôt équilibré et consistant alors qu’il n’aurait pu être qu’une énième réédition comme on a l’habitude de voir passer dans le paysage rap français.
Ayant commencé la musique il y a déjà plus de dix ans, on peut vraiment ressentir une évolution certaine et une assurance grandissante. Que ce soit dans une interprétation plus juste, une meilleure gestion de son phrasé et de son écriture, le rappeur du 77 nous montre encore une fois qu’il a des choses à dire.
“Ceux qui me suivent depuis un petit moment savent qu’au-delà du studio, j’suis un gars de la scène”.
Tout comme le commun des mortels, les artistes sont eux aussi directement impactés par le confinement et la situation sanitaire (cf ce dossier écrit par Shkyd). Ce moment de répit forcé a dans un premier temps été un peu frustrant pour les amoureux de la scène mais dans un second temps, Gracy confiait que ce repli lui a aussi permis de se recentrer sur lui-même ; un certain “retour aux sources”. Malgré tout, il avait de quoi s’occuper.
En effet, de la production au mix, en passant par l’enregistrement et le mastering, il est derrière toutes les étapes du processus créatif. C’est intéressant de souligner que lorsqu’on se penche sur les crédits, on peut voir effectivement son nom revenir quasiment sur chacune des lignes.
Cependant, il rejette assez vite de lui-même l’image du “self made man”. Il ne s’est pas “fait tout seul” et insiste même sur le fait qu’il est très bien accompagné. Une équipe fidèle, solide et sur laquelle il peut compter et exprimer librement ses idées. Gracy sait ce qu’il fait et fait tout pour créer de la musique qui lui ressemble. Assez détaché autour de la manière dont le public pourrait recevoir sa musique, pour lui, c’est la notion de lisibilité qui doit primer sur le reste.
“Gracy-Anthony c’est moi, Gracy Hopkins c’est une équipe”
Avec le temps, il a appris pas à pas à trouver comment mélanger sa spontanéité avec le côté parfois rigide et froid de l’industrie. Car, même si cette dernière a parfois écorché son prénom ou lui a proposé moultes fois de rapper uniquement en français, au final il reste un décideur majeur. Il connaît sa place et sait à quel point “l’art et les artistes existent très bien sans l’industrie mais pas l’inverse”.
D’ailleurs, plus la discussion avance, plus son recul me paraît intéressant ; notamment sur sa remarque autour des pochettes. Quand on prend ses 4 projets, force est de constater qu’ils gagnent en clarté autant musicalement que sur les covers. Si les premiers projets exploraient des thèmes moins “bright”, avec les deux derniers, on sort la tête de l’eau. TIME2020 semble être le plus clair mais tout de même contrasté, comme si c’était encore une période transitoire vers quelque chose d’encore plus lumineux.
Malgré son amour pour les analogies qui partent dans tous les sens, il y a une vraie justesse et sincérité dans ses propos, qu’on peut retrouver notamment dans le titre Self-Love (avec un incroyable saxophone). Cette transposition musicale de l’honnêteté vis-à-vis de l’auditeur s’est d’ailleurs confirmée lorsqu’il évoque ses références allant du craquement ultra sincère de la voix de Nipsey dans Racks in the Middle ou encore le grand sourire naturel de Népal.
“Quand le son est sorti, je ne savais pas à quoi Népal ressemblait, je pouvais le voir dans la rue, j’aurais pas su que c’était lui”
Finalement, celui qu’on a vu briller sur 150CC en feat avec Népal, confirme une nouvelle fois qu’il est un artiste à suivre. Bien plus qu’un rappeur français qui rappe en anglais, ici ce projet souligne à la fois ses tourments mais aussi sa large palette musicale.
Sans sur-intellectualiser sa création, rien n’est laissé au hasard. En lisant entre les lignes, on y voit de l’engagement, de la douceur et un jeu très original avec sa voix. Même les collaborations fonctionnent bien, la présence de Sabrina Belahouel amène une vague de fraîcheur dans le projet et l’alchimie avec Tayc se démarque vraiment de manière significative. Le morceau est d’ailleurs à retrouver dans notre playlist 45 tours de Love pour vous donner une idée de la qualité du titre.
On recommande grandement d’être à l’affût en 2021 car au vu de ses récentes apparitions cette année sur des projets (cf Hundred Fifty roses de Duñe & Canyon ou sur Pass the Torch de Manast LL’ & Satyvah), logiquement il ne devrait lui arriver que de belles choses et on lui souhaite le meilleur. (ce qui semble être un partenariat avec Andros)
“Etre artiste c’est une putain de bénédiction ! Si le bonheur des gens qui me supportent est aussi lisible, je me dois de leur faire comprendre lisiblement : “I fuck with y’all”
Crédits Photos : @TJNRL