Slimka, à fond dans le tunnel
Depuis plusieurs années maintenant, la scène suisse affirme sa place dans le rap francophone avec des artistes aussi atypiques que talentueux. Bien qu’encore moquée ou négligée par une partie du public (à l’image du festival « Les Ardentes », implanté à Liège, qui n’a invité aucun artiste suisse pour son édition 2021), on peut penser que ce « boycott » du rap helvétique prendra bientôt fin, ceci grâce à l’arrivée d’une brillante nouvelle génération, composée de Rounhaa, Daejmiy, Comme1flocon ou encore Sawmal pour ne citer qu’eux.
Avec ces nouveaux arrivants, il ne faudra pas oublier les ambassadeurs du rap suisse. Un nom vient alors tout de suite en tête, c’est bien sûr la SuperWak Clique ; aussi connu sous le nom XTRM BOYZ. Ce collectif, composé de Di-Meh, Makala et Slimka, a réussi à s’exporter et à acquérir une certaine notoriété dans l’hexagone, en parvenant par ailleurs à organiser un XTRM Tour plus que bouillant.
Ceci dit, vous avez lu le titre, et notre attention se portera tout particulièrement sur le grand maigre du groupe, a.k.a. Slimka. En effet, il est assez fréquent qu’il soit relayé au second plan, derrière les deux personnalités fortes que sont Di-Meh, la pile électrique du groupe, qui a bénéficié d’une exposition importante grâce à diverses collaborations avec des artistes reconnus (Lomepal, Népal, Caballero & Jeanjass,..), ainsi que Makala, tout en élégance et en insolence, qui aura eu un beau succès d’estime avec son album Radio Suicide, sorti l’année dernière. Néanmoins, Slimka n’est pas un XTRM Boy par hasard, et sa place dans le collectif n’est pas à remettre en question ; revenons sur son parcours.
Il commence le rap aux alentours de vingt ans avec ceux qui deviendront ses acolytes, mais la culture Hip-Hop ne lui est pas étrangère puisqu’il pratiquait la danse. Sa première apparition notable sera sur la mixtape Varaignée, pt 1 de Makala, avec le titre Cadillac qui sera clipé. Après avoir accompagné le collectif sur scène, il sortira sa première mixtape No Bad, Vol 1 en 2017. Le projet possède une majorité de titres très énergiques qui se révéleront être extrêmement efficaces sur scène (Wes Anderson, BGG, Piou Piou,…) mais également quelques ambiances plus calmes comme Me Gusta ou encore Self Made, qu’il interprètera au cours d’un Colors Show*.
(*A noter d’ailleurs qu’il ne faut pas confondre Colors Show et Colors Records, le second étant la maison de disque dans laquelle les membres de la SuperWak sont signés.)
Il remettra le couvert avec No Bad, Vol 2, sorti l’année suivante. Il garde la même recette, avec toutefois une proportion un peu plus importante de morceaux où il expérimente davantage. Il « change de mood quand [il] veut », déclare-t-il dans le morceau Milieu. On pourrait cependant critiquer la récurrence de certains flows sur ces deux projets, et une partie du public cataloguera rapidement Slimka comme un rappeur turn-up taillé uniquement pour la scène.
Néanmoins, ces deux mixtapes sont prometteuses pour l’avenir du jeune suisse, car on sent qu’elles ne sont qu’une première étape dans sa carrière. Une sorte de terrain de jeu où il testait les différentes possibilités qu’il avait à sa disposition, et elles laissent entrevoir un fort potentiel s’il parvient à se focaliser afin d’acquérir la « Tunnel Vision ».
Slimka se fera discret par la suite, apparaissant alors sur quelques collaborations, avant de revenir début 2019 avec une série de 4 freestyles intitulée Boryngo. Il s’en suit alors le clip de l’excellent morceau Kanté paru en début d’année où il délivre un refrain entêtant terriblement efficace. On sent que le genevois a passé un palier.
Tout porte à croire que la publication de ce premier extrait annonce la sortie imminente de Tunnel Vision, mais il n’en n’est rien, Covid-19 oblige. Slimka nous offre donc en compensation quelques semaines plus tard la mixtape Tunnel Vision Prélude, dont le titre est sans équivoque. Il décrit cet EP comme « un avant-goût de [son] nouveau catalogue ». Le projet, composé de 9 titres, est assez court, ce qui est logique pour une mixtape pré-album. On remarque une belle liste d’invités, mais on constate surtout une diversité d’ambiances assez impressionnante par rapport à ses projets précédents. On retrouve bien sûr des bangers, mais ceux-ci ne sont pas majoritaires. Ainsi, on a le droit à une nouvelle collaboration avec Di-Meh, et comme d’habitude l’alchimie est optimale.
Autre collaboration forte du projet, Froid comme la mort, en featuring avec Isha et Daejmiy, marque les esprits par l’enchaînement brutal des différents couplets qui viennent se compléter à merveille. D’autres morceaux, comme SOS, sont marquants par leurs refrains millimétrés, alors qu’on retient Sensation, en collaboration avec JeanJass, pour son ambiance, excusez-moi le terme désuet, chill. Comment ne pas évoquer Grand Maigre, véritable pépite de cet EP où Slimka rebondit sur la prod avec arrogance.
Étonnement complet pour un projet si court, on peut tenter d’expliquer cette diversité par une multitude de producteurs ayant collaborés sur le projet (Sectra, Ambitiou$, Klench Poko, Mookice,..). Néanmoins, ce serait faire preuve de mauvaise foi que de ne pas reconnaître également la progression du suisse sur ce dernier projet. Bien loin de l’image du rappeur uniquement turn-up qu’il renvoyait il y a quelques années, il dispose désormais d’un arsenal de flow conséquent comme il a pu le montrer sur Tunnel Vision Prélude, et maîtrise maintenant l’art du refrain.
Sans nous laisser le temps de souffler, Slimka nous a offert le clip de Slide, sans doute deuxième extrait de l’album, il y a quelques semaines. L’esthétique du clip est impeccable, à l’image des dernières sorties de la SuperWak Clique. Le suisse impose une ambiance mélancolique inédite, venant confirmer la volonté de faire des choses nouvelles sur le prochain projet.
Forcément, les attentes sont élevées pour Tunnel Vision, le prélude ayant placé la barre assez haute. Alors, qu’attendons nous de cet album qui devrait arriver sous peu ? On peut juste souhaiter à Slimka de poursuivre son ascension en nous proposant un projet authentique, quitte à se débarrasser de l’étiquette du rappeur de scène.
Ne comprenez pas par là qu’il doit cesser les sons énergiques, au contraire, ce serait regrettable car il excelle dans ce domaine, il s’agit davantage de continuer à élargir la palette d’émotions qu’il est capable de retranscrire par sa musique. Plus le temps passe, plus le rappeur semble apte à se livrer devant le micro, c’est pourquoi on peut espérer un album assez personnel. Le titre vient appuyer cette hypothèse. En effet, Tunnel Vision, à l’instar de Di-Meh et sa série Focus, signifie que Slimka se concentre sur quelque chose en particulier, et à en croire le prélude, il semble ne s’intéresser qu’à lui-même, sa réussite, ses proches et ses ancêtres.
Nous constaterons bientôt si ces suppositions s’avèrent vraies, en attendant, il n’est pas encore trop tard pour rejoindre le vaisseau, mais dépêchez-vous tout de même avant qu’il ne s’engouffre dans le tunnel.
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7 octobre 2022