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Serane : un rappeur punk ?

Serane : un rappeur punk ?

Serane est un artiste qui divise, c’est indiscutable. Il déchaîne les passions, mais aussi l’incompréhension et à raison. Il incarnerait la Prise musique (plugg music à la française) qui suscite au mieux l’interrogation au pire un rejet total. On se retrouve avec un artiste à la couleur musicale singulière pour un public français/belge et à l’univers esthétique et visuel tout aussi tranché.

Qu’est-ce qui dérange fondamentalement avec Serane ? Au-delà de son flow DMV et nonchalant, ses partis pris visuels sont à contre-courant de l’art codifié du rap. Il mêle en effet des références a priori paradoxales puisant dans le hip-hop américain, la pop-rock française et le punk anglais. Mais ce qui unit toutes ces inspirations, c’est bien la subversion et l’anticonformisme qui sont les leitmotivs de Serane. 

Serane & le renversement de l’ordre et des étiquettes

Il est le rappeur d’une nouvelle subversion du rap, puisqu’on a pu observer de vives réactions suite à ses projets Pas de casquette Vol. 3 et Prise Musique 2, notamment de la part des youtubeurs et critiques Amin et Hugo. Du flow aux anglicismes en passant par des prods tantôt electropunk, qui peuvent faire grincer des dents les plus puristes d’entre nous, tantôt plugn’b, réveillant les nostalgiques des sitcoms américaines des 80’s. Serane est définitivement un artiste du paradoxe, jouant sur les contrastes d’ambiances en amenant par exemple des comparaisons particulières dans ses lyrics. L’idée étant d’aborder l’amour avec de sombres images. 

Elle me donne sa tête comme une guillotine

Serane – Guillotine

Son ambivalence se retrouve aussi visuellement se jouant de la morale, associant des paroles ironiques et des clips macabres, Serane flirte avec la mort. Les clips de Guillotine et Fameux (réalisés par Stanko) ont particulièrement tendu le public. Serane a tourné le clip dans un cimetière se faisant alors taxer de blasphémateur. À défaut d’être du blasphème, Serane est immoral. Quant à Guillotine, Stanko y amène l’artiste dans une chambre froide entouré de carcasses de viande pour rapper nonchalamment son histoire avec “une bitch qui est bad”. Finalement, tout est dans le paradoxe déconcertant, rappant avec légèreté dans des lieux franchement glauques.

Esthétiquement, il va chercher des références très taboues et trouve le moyen de choquer notamment dans les lieux de tournage de ses clips. Tout est dans l’anticonformisme suscitant par la suite des réactions du public, elles aussi paradoxales, entre dégoût et fascination. Il se plonge dans les tréfonds du sordide au-delà d’une subversion symbolique, il déploie une esthétique assurément néo-punk.

Pourquoi punk ? Legs McNeil déclarait « Est punk tout ce qui nous sépare de ce que nous aimions avant, tout ce que le côté obscur de l’Homme peut offrir. »  Est punk toute forme de transgression, en l’occurrence avec Serane des cloisonnements musicaux. Le principe de la musique punk originelle serait d’être une déviance du rock par des sonorités rapide, inégales et anarchiques. Le punk est au rock ce que Serane est au rap. Il transgresse la morale, mais aussi les normes sociales du genre par-delà les partis pris de Youv Dee et son vernis. Serane est punk jusqu’au bout des ongles incarnant une esthétique punk profonde en se jouant de l’ordre binaire des genres et tire parti de son goût pour l’androgynie. Il reprend d’ailleurs pour la cover de son dernier projet Elle, la typo du magazine de mode et lifestyle féminin du même titre. 

Justement son goût pour la mode parait central dans l’univers Serane. Initialement mannequin, il a été aperçu sur les catwalks pour Raf Simon ou encore Yohji Yamamoto à la fashion-week.  Mais ce sont les pièces de Rick Owens qui ont une place remarquable, sinon l’on constate plus globalement des tenues plutôt techniques jouant sur le layering, ou sur des pièces à l’esthétique DIY et up-cyclées chez l’artiste. 

C’est autour d’une image et une communication très contrôlée tout en ayant une image incontrôlable que Serane deploie son univers entre fascination et rejet. Il appréhende tout bonnement à la même échelle l’esthétique et des visuels et sa musique. Son grand sens de l’esthétique, mais aussi de la controverse le place comme le plus punk du rap game.