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Au cœur du rap irlandais

Au cœur du rap irlandais

Lorsqu’on parle de musique irlandaise, on pense en premier lieu aux chants traditionnels ou bien au rock des années 1980-90. Pourtant ce pays, qui a lutté pour devenir indépendant vis-à-vis du Royaume-Uni, abrite un genre musical ne demandant qu’à éclore à côté de la scène rock, reconnue internationalement depuis U2 : le rap irlandais. Le Royaume-Uni s’étant énormément démarqué ces dernières années grâce à la drill, il semble tout à fait logique que cela influe sur son voisin irlandais. Entre recherche identitaire et influences britanniques, comment celui-ci parvient-t-il à prendre sa place ?

Parmi les rappeurs reprenant les codes exacts de la drill UK, on retrouve J.B2. Aussi appelé Mr. Affiliate, ce drilleur irlandais s’est très vite fait remarquer par son flow spécifique, nous donnant l’impression que ses mots et ses phases rebondissent aussitôt prononcés. Pourquoi se dissocier aussi peu des codes anglais ? Le flow accentué des Irlandais peut déplaire et laisser indifférent un public habitué à la drill UK. Par ailleurs, il faut considérer l’histoire du pays : s’intégrer dans la famille du rap anglophone peut se concevoir pour les artistes d’un pays dont la langue a été longtemps ostracisée, méprisée par les occupants. Le réflexe d’intégration passe alors par la drill anglaise pour les générations nouvelles, qui veulent en finir avec cette opposition.

J.B2 ainsi que beaucoup d’autres drilleurs, imitent donc l’accent anglais et embrassent pleinement l’esthétique anglaise du genre. J.B2 a même quitté son pays, en partant vivre dans l’Essex afin de multiplier ses feats avec ses partenaires britanniques. Sa popularité est croissante mais on ne peut pas dire qu’il représente le rap irlandais, à l’opposé de celui qu’on appelle The King of Irish Drill : INK.

Situé à Dublin, INK propose lui un type de drill vraiment identitaire. Il s’appuie sur les caractéristiques de la langue pour produire un son accrocheur et un message identitaire qui renoue avec le récit irlandais. Pour autant, INK ainsi que ses confrères ne politisent pas leurs musiques, le combat est social avant d’être national ; les lyrics restent typiques du mouvement drill : des paroles crues sur leur quotidien de rue. Pour autant, INK n’exclut pas d’autres auditeurs non-concernés par ce combat identitaire. Pour lui, il est important de laisser sa langue maternelle s’exprimer et de la faire connaître. Il exprime d’ailleurs cela comme propre à sa génération. Une génération née juste après le cessez-le-feu de 1998, ne cherchant pas à se politiser, mais seulement à assumer le passé et le fil de l’histoire irlandaise dans des domaines accessibles à tous.

Aussi, dans cette mentalité-là, on retrouve le groupe Kneecap : ce groupe d’Irlande du Nord rappe en irlandais, langue non officielle de la partie britannique de l’île mais bien présente dans le quotidien de ses habitants. Le groupe utilise beaucoup d’instrus électroniques, donnant un ton comparable à celui de Winnterzuko en France. Décrivant le quotidien des jeunes, leurs paroles semblent universelles et c’est bien là le but recherché. L’objectif n’est pas de réserver leurs musiques aux Irlandais de souche, mais simplement d’utiliser l’idiome naturel pour rapper, de l’admettre comme évidence. Ils cherchent l’universalité dans l’honnêteté de leur quotidien, en parlant de leur rythme de vies, de leurs déboires de soirées et autres embrouilles avec les vigiles.

L’Irlande est donc encore loin d’avoir livré tout son potentiel et l’énergie de ses rappeurs continue de s’affirmer face aux voisins anglais. Preuve de maturité : la diversité des positionnements par rapport à la scène anglaise. Reprise des codes de la UK Drill pour certains, hip-hop enraciné dans un pays rugueux, où la violence est familière, pour d’autres. Les rappeurs défendent avec fierté leur identité à travers leur langue gaélique.

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