Dans le viseur #05 Gama Boonta, Menavor & Odor
Nous voici de retour pour un nouveau numéro de notre rubrique Dans Le Viseur. Elle est d’ailleurs pensée en lien avec notre playlist du même nom. Cette fois-ci, petit coup de projecteur sur Gama Boonta, Menavor et Odor.
Gama Boonta
Gama Boonta est un rappeur originaire du Burkina Faso. C’est au sein du collectif originaire du Val d’Oise La haute école qu’il fait ses premiers pas dans le monde du rap. Il choisit ce blase en référence au personnage de Naruto « Gamabunta » qui est un vieux sage ayant la forme d’un crapaud géant. Ce choix lui permettait de représenter à la fois sa personnalité posée et calme ainsi que son affection pour ce manga. Il évolue d’ailleurs en tant que directeur artistique et réalisateur au sein de la Haute école sous le pseudonyme Lecrapaud.
C’est en 2016 que Gama Boonta entre en jeu avec son premier EP intitulé Jeu de Frime suivi de Nénuphar city en 2017, tous les deux disponibles sur Soundcloud. Il poursuit ensuite avec la sortie de Karité I et II, qui sont pour leur part, disponibles sur les plateformes de streaming.
Dans son premier projet, Gama Boonta nous replonge dans l’univers d’un rap du début des années 90. Il nous démontre au travers de ces beats Boom Bap tout l’étendue de sa maîtrise au niveau du kickage. Dans son deuxième EP, on ressent cette fois-ci que le jeune artiste ne se limite pas à rapper mais crée également un univers en lien avec son identité artistique. Nénuphar city est donc une ville fictive évoquant ses différents voyages mais faisant également référence au crapaud associé à son nom d’artiste.
Ses deux derniers EP marquent une césure avec ses deux précédents au niveau de la qualité du mix, mais il explore d’autres styles en kickant sur des beats plus modernes comme dans La Chicotte. Il continue également à démontrer son aisance dans ce style phare du rap qu’est l’égotrip. Il varie les styles tout en restant fidèle à ce qu’il propose depuis ses débuts et en gardant cette vibe old school dans certains sons comme Roi soleil.
Papa m’a dit : « petit con
Gama Boonta – Major
Si t’arrêtes l’école tu seras pas sauvé par des pistons
T’es noir donc du tu devras en faire deux fois plus que tout le monde
Et malgré ça tu seras jamais pris pour monsieur tout le monde
Mon cher Ebenezer, t’es pas Aimé Césaire
Mais tu peux le devenir si tu commences par gérer tes verbes
Faut pas aimer ces herbes, elles sont mauvaises pour toi
C’est la débauche de la jeunesse dis pas « c’était pour voir » »
Gama Boonta nous revient maintenant en forme avec le son Grand Gabarit. Le titre est à retrouver notamment dans la playlist Young Wave en collaboration avec le label Jeune à jamais. Amateur de kickage et rap à l’ancienne, vous savez ce qu’il vous reste à faire.
Menavor
Continuons avec Menavor, jeune artiste issu de Clamart, dont le deuxième album New Era est sorti en début d’année.
Ce jeune rappeur a d’abord fait ses armes sur Soundcloud avant de partager sa musique sur les plateformes de streaming. En Janvier 2020, Menavor sort son premier projet intitulé Sykras qui n’est autre que l’épellation à l’envers de son prénom Sarkys. La force de ce jeune artiste réside avant tout dans le fait qu’il réalise ses morceaux seul depuis le début. Il fait donc partie de ses artistes qui ont débuté en aménageant un studio dans leur chambre. Sykras ne semble pas donner l’impression d’avoir été enregistré dans de telles conditions, et pourtant, l’entièreté de ce projet a bel et bien été enregistrée et mixée de ses propres mains. De plus, le projet n’est composé presque entièrement que de type de beat, aspect parfois critiqué par certains observateurs qui y voit parfois nécessairement une carence en qualité. Néanmoins, il s’avère que Menavor a réussi à donner à ce projet un aspect très professionnel. Dans Sykras, le jeune rappeur nous dévoile un univers parfois sombre, marqué d’une touche de fatalité. Il oscille également entre couplet rappé et chanté tout au long du projet.
Suite au bon accueil du public, Menavor sort dans la foulée l’EP Summer dreams en décalage avec l’univers proposé dans Sykras. Un projet conçu sur mesure pour les ambiances de soirée d’été même si le confinement aura probablement joué un mauvais tour au potentiel de cet album.
Cette année, Menavor confirme son talent avec la sortie de New Era dont l’histoire de la conception de la pochette est en parfaite adéquation avec le processus de création de ses projets. En effet, nous devons la réussite de cette pochette à 000neptune qui l’a créée avec … un téléphone. Il représente bien tout une frange de jeunes artistes s’étant construits seuls et dans la débrouille sans pour autant avoir tout misé sur d’autres aspects comme les clips. C’est probablement pour cette raison qu’il ne compte qu’un seul clip à son compteur, celui de Malade que nous vous invitons à découvrir sur Youtube. Dans ce deuxième album, Menavor démarre fort pour ensuite glisser dans une vibe plus triste et sombre en accord avec son style à l’image du morceau Diamant qui conclut ce projet. Menavor semble donc avoir choisi la musique comme exutoire et dans laquelle il semble livrer ses sentiments les plus profonds. Menavor est donc un artiste à tenir à l’œil quand on sait ce dont il est capable seul dans sa chambre.
Odor
Nous vous l’avions peut-être déjà fait découvrir avec le titre Bye-Bye, présent dans notre playlist DLV et dont le clip est également disponible depuis plusieurs semaines sur Youtube. Le clip est à la hauteur du morceau qui semble présager un nouveau franchissement de palier de cet artiste d’Angers. Revenons sur le parcours d’Odor qui compte désormais 3 projets à son actif.
Odor fait partie de cette scène qui se mêle au terrain. Il est parmi ces rappeurs qui ont écumé les open-mics et qui ont l’art de kicker dans le sang. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien qu’en 2018, Odor gagne la finale régionale de Buzz Booster, qui est un dispositif national chargé de la détection et de la diffusion de la scène musicale hip-hop.
Odor sort Jeu de fléchettes en 2018. Dans cet EP, il nous dévoile son côté décalé notamment dans le son Côte Ouest. Dans ce morceau, le rappeur angerois s’amuse à fantasmer sur les clichés classiques du gangsta rap, de manière assez caricaturale. Ce morceau était probablement aussi un moyen de mettre en avant son attachement pour le rap américain par lequel il a été bercé grâce à son grand frère. Tout au long du projet, le rappeur s’amuse à varier les flows et les styles, tantôt criants, tantôt autotunés.
Avec son dernier projet Inodor, l’artiste passe un nouveau palier. Le côté rappeur fou est encore plus accentué avec un flow beaucoup plus agressif. Le son Brief en est un exemple criant. En plus d’être une intro puissante, le texte de ce morceau nous démontre qu’Odor aborde des thématiques profondes. Si dans un premier temps, Brief nous procure l’envie de mettre le feu à notre appartement, il y a également en toile de fond un sujet très profond, le monde de l’entreprise et du travail et la hantise de « ressembler à tous ceux qui s’adaptent ». Cette problématique est également approfondie dans certaines lines du morceau La grande porte issu du même EP. Preuve que l’artiste entre dans une démarche bien plus approfondie.
Inodore doit m’sauver de leur pression
Odor – La grande porte
J’ai envie d’aller boire pleins de pressions
Les grandes reines au pouvoir font l’oppression
Et les p’tites fourmis posent pas d’questions
Le 3 février dernier, Odor a annoncé via sa page Instagram la sortie du clip de bye-bye en ajoutant que de nombreux morceaux étaient sur le point d’arriver, ce qui annoncerait probablement l’arrivée d’un nouvel EP. EP qui devrait s’annoncer bouillant, comme le prouve la qualité de ce dernier son. Il sera également dans notre viseur.
Nous vous donnons rendez-vous le mois prochain pour une nouvelle sélection de jeunes talents !