Zamdane, évolution et DA
Des rêves construits par une voix brisée. C’est dans ce sens-là que l’on peut interpréter la musique de Zamdane. Son identité artistique aujourd’hui est remarquable en partie par un grain de voix spécifique qui porte un vécu, des influences et des émotions. Il a évolué autant par la musique que par les visuels ; le personnage se construit au fur et à mesure de son expérience vécue mais aussi à travers les projets. Pour certains rappeurs, l’évolution de la direction artistique se diversifie par les projets dans leur singularité ou à travers les choix faits tout au long de leur carrière respective. Zamdane quant à lui, propose aujourd’hui une orientation musicale claire mais n’en reste pas moins nuancée par les choix de prods, les flows et les différentes vibes que vont dégager les morceaux.
Le premier morceau que l’on peut trouver sur les plateformes de streaming est Favaro. Le single, accompagné d’un clip, est sorti en 2017 et comptabilise aujourd’hui plus de 2 millions de vues. On retrouve l’artiste sur un titre kické avec des flows qui s’appuient sur des multisyllabiques ainsi qu’un phrasé très articulé et très fluide qui permettent à l’auditeur une compréhension claire du son. La simplicité voulue du visuel permet de se focaliser sur l’essence même de son style notamment à travers la technique du morceau qui annonce qu’il sait rapper.
20’s marque un certain tournant puisque ce premier album présente Zamdane sous un angle plus poussé et permet ainsi à son auditoire d’avoir une image plus claire et surtout plus complète. On retrouve notamment les morceaux Nil et Quand j’fume qui présentent une atmosphère mélangeant à la fois un certain apaisement et la tristesse. Sur Nil, il y a une harmonie entre les couplets kickés qui contrastent avec le refrain très doux amené par des notes de piano. Ce morceau est marquant par la prise de risque avec les notes aiguës au refrain qui apportent une sensibilité touchante au morceau. Le titre Quand j’fume est caractéristique de la voix cassée de Zamdane où on la trouve plus assumée tout au long du son; cette voix si particulière est aujourd’hui représentative de son identité artistique. À travers le titre, on peut distinguer un changement entre un flow cassé voire haché et un refrain plus mélodieux où les notes sont maintenues plus longuement à la fin des mesures.
Arrive ensuite le premier volume de la série Affamé en 2018. Le lien entre le titre de l’EP et la structure Affamé Records créée en 2021 prend son sens lorsque l’on suit la vision de Zamdane et la direction artistique vers laquelle il s’oriente en suivant cet état d’esprit “affamé”.
Grâce aux projets 20’s et Chrysalis, on commence à distinguer plus facilement le personnage de Zamdane qui maîtrise d’une part le kickage mais qui est aussi capable de proposer des morceaux plus mélodieux. Dans les deux cas, on parvient à ressentir une certaine nostalgie. Ces deux projets proposent donc à l’auditeur une première ébauche de la direction artistique autour de l’identité de Zamdane. L’évolution au fil des projets conduit nécessairement à une remise en question autant d’un point de vue personnel que musical. L’émergence de la signature artistique pose des éléments identifiables propres à l’artiste mais qui nécessitent plus d’approfondissement. Le premier featuring proposé avec Di-Meh sur le titre Favélas ouvre un peu plus son univers et son potentiel. Ce projet peut également être considéré comme un retour à la case départ mais le renouveau se fait ressentir à travers Affamé – Saison 2 où l’écriture, les instrumentales et les flows sont beaucoup plus marquants. On sent une évolution de l’artiste en partie par son grain de voix beaucoup plus présent et entièrement assumé. Zamdane se livre davantage et les auditeurs sont alors invités à écouter l’histoire de l’artiste ainsi que les différentes épreuves qu’il a pu rencontrer.
La beauté de la musique est d’autant plus touchante par le mélange des cultures maghrébines (en particulier marocaines) et françaises. En effet, sur le titre Affamé #8 – Hayati on retrouve dans un premier temps un sample du titre Osad Einy de l’artiste égyptien Amr Diab. De plus, la combinaison de couplets en français et des refrains en arabe ajoute une authenticité supplémentaire. L’identité artistique est de plus en plus reconnaissable; cette dernière s’explique aussi par les diverses scènes qu’il a pu faire avant la sortie de son album Couleur de ma peine où on peut voir un public très réactif, notamment sur Hayati.
C’est son premier album donc il y avait une volonté plus puissante derrière ça, c’est un peu la carte de visite.
Roxane Peyronnenc (DA et réal du projet Couleur de ma peine)
L’intention principale était de retranscrire à fond l’album et la musique. Donc montrer de vraies choses à travers les clips, de vraies émotions : mêmes si elles sont dures.
L’orientation de la DA de Zamdane se retrouve également à travers l’équipe qui l’entoure : son manager Mohamed El Mouna ainsi que Roxane Peyronnenc sur la direction artistique et les visuels et qui apportent énormément à la construction de l’univers de l’artiste. En effet, on retrouve Roxane sur la réalisation de chaque clip du projet Couleur de ma peine (ou en co-réalisation). Le travail avec une équipe sur toute la construction d’un projet permet à l’auditeur d’avoir une vision plus claire sur celui-ci et sur le message transmis. La patte artistique autour de la réalisation visuelle accentue notamment les émotions autour de la musique. Les scénarios restent relativement simples et permettent ainsi à l’auditeur de se concentrer à la fois sur les paroles des morceaux mais aussi sur des détails visuels qui peuvent apporter une réelle poésie à l’univers de l’artiste. On retrouve par exemple les plans sur les pochons de trèfles dans le clip de Zhar en référence au titre qui signifie “chance” en arabe. En parlant de visuels, il est également nécessaire d’aborder la cover du projet qui reprend la toile peinte réalisée par Alia Alves Lahanaoui. La toile est inspirée des origines marocaines de l’artiste, pour représenter “le bled” tel que Zamdane le voit. La palette utilisée autour des couleurs ramène un alliage entre la terre, le ciel et l’eau. La poésie de la toile apporte au développement de l’identité artistique de Zamdane puisqu’elle figure sur tous les clips du projet. On la retrouve également lors des concerts avec l’ensemble de son équipe intervenant sur scène et portant le merchandising du projet qui, dans un sens, fait ressortir l’importance de l’entourage de l’artiste.
Zamdane avait déjà tout en tête, il avait juste besoin de quelqu’un pour l’aider à mettre en image, à les travailler. On a tous bossé en équipe avec lui et Momo (son manager). De la cover, à la cohérence de la tracklist aux clips à relier entre eux.
Roxane Peyronnenc
Plus récemment, on retrouve Zamdane présent sur de nombreux singles en featurings avec d’autres artistes tels que : S.Teban, Zikxo, L’As, J9ueve ou encore Soprano. La diversité présentée par les feats nous invite à découvrir sa palette musicale où l’on retrouve toujours son identité artistique mais alliée avec d’autres styles qui apportent une toute autre image. Cette ouverture est déjà visible dans l’album Couleur de ma peine où les featurings avec Dinos et Jazzy Bazz peuvent, dans un premier temps surprendre, mais fonctionnent totalement. Il est enfin nécessaire d’aborder le titre Vide quand t’es pas là, composé par CactusMilk et Zamdane, enregistré par RB et mixé par Ayrton. Ce morceau sincère et touchant dédié à la sœur de Zamdane est accompagné par une instrumentale douce à la guitare et des voix qui donnent une pureté à la musique.
Sans avoir le même vécu ou partager la même histoire, l’auditeur peut ressentir les émotions transmises par la musique et aussi avoir la liberté d’interpréter le message de l’artiste à sa manière nous rappelant à nouveau l’importance de son entourage. Un exutoire. C’est également dans ce sens-là que j’ai écouté le dernier projet de Zamdane : on écoute une histoire, son histoire racontée avec beaucoup d’images. La musique est un besoin autant pour l’artiste que pour l’auditeur, elle nous permet d’extérioriser un ressenti, un vécu qui peut être compréhensible (ou pas) mais, qui, dans tous les cas, procurera des émotions.
Photographies fournies par son équipe, réalisées par Roxane Peyronnenc