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Pourquoi SCH est l’un des meilleurs rappeurs de la décennie ?

Pourquoi SCH est l’un des meilleurs rappeurs de la décennie ?

Il y a peu, Rap Etc. a posté un tweet dans lequel il disait que le succès d’SCH était comparable à un bug de cette matrice qu’est le Rap Français. Partageant cet avis, je me suis dis que se pencher sur le succès d’SCH et surtout sur la qualité de sa musique serait plus qu’intéressant. Voyons donc pourquoi Julien Schwarzer est dans le haut du panier de la décennie qui s’achève… Et peut être plus ?

Bon, on ne le présente plus, arrivé avec A7 en 2015 et surtout avec le fracassant John Lenon ; c’est une ascension impressionnante pour le sudiste avec 5 projets à ce jour, soit un par an. A l’origine de sa musique ? Cet univers sombre dans lequel se mêlent une imagerie soignée et des paroles percutantes. En somme ce qu’il faut pour qu’un artiste soit intéressant à écouter et qu’il ait des chances de fonctionner dans l’industrie, mais alors comment est-il parvenu à se démarquer ?

SCH, une sensibilité particulière

Alors évidemment on retient facilement d’SCH l’ambiance mafieuse qui se dégage de ses titres ; JVLIVS ajoutant d’ailleurs beaucoup à ce propos. Mais si on regarde derrière le masque ce qui ressort c’est principalement cette sensibilité relativement unique. C’est quelque chose qu’on pourrait rapprocher de PNL récemment, la manière qu’ont ces artistes de se confier dénotant réellement avec la violence de certains propos. Il entre totalement dans des codes « gangsta » mais lorsqu’il s’ouvre en musique c’est alors bien plus touchant. Comment ne pas évoquer Fusil qui ; à juste titre, initie dans A7 ce qu’on retrouvera tout au long de sa discographie.

Morceau évidemment triste, on ressent les peines de l’artiste, et dès ce premier projet la porte est ouverte pour que le public puisse s’identifier au rappeur ; en parallèle de sons plus brutes. Il explique d’ailleurs dans une interview pour Booska-P qu’il fallait « un son pour pleurer » au sein de A7. C’est ce qui fait qu’on aborde les projets suivant avec une oreille attentive quant à cette intimité disséminée avec soin.  Ca arrive dès Anarchie, le premier album avec le classique (n’ayons pas peur des mots) Allo maman. Le temps qui passe, la peur de la faucheuse et cet amour pour sa mère se conjugue aussi pour son paternel. C’est personnellement mon morceau préféré de SCH, La Nuit nous place dans le rapport de l’artiste à Otto, son défunt père auquel il rendra bien évidemment hommage une nouvelle fois dans JVLIVS. Et si ce son parle de son père, il traite également d’une forme de routine, d’ennui, de mélancolie proche à l’artiste et étroitement liée à l’obscurité de son univers. Pour traiter de cela soit tu viens de Caen et tu deviens Orelsan, soit tu viens du sud, tu es influencé par la vie du hood et tu deviens SCH.

Ce qui ajoute à cette sensibilité propre à l’artiste c’est bien entendu le maniement de l’autotune. Assez singulière, se mêlant à cette voix nasillarde (S/o Lino) rend rapidement les propos plus profond. Ajoutant de l’écho à ses paroles, l’outil est réellement bien géré et ce dès le début.

Maître de cérémonie

On parle d’SCH et de son univers et c’est un autre point important chez l’artiste. Il a une manière assez simple de mettre en place cet univers, mais cela se positionne comme une forme de minimalisme abouti. Il n’y a que très peu de place à l’artifice dans sa musique et cela accentue d’autant plus ce phénomène d’identification.  Cela fonctionne donc pour les thématiques plus personnelles mais quand le S part sur des titres plus égotrip, plus amusants même ; les paroles entrent alors rapidement en tête. On pense très facilement au titre Champs-Elysées.

On travaille le jour et la nuit, tu penses encore à t’lever tôt.

SCH – R.A.C.

Sans être un technicien fou, ses placements ne sont quant à eux jamais fragiles. De projets en projets il construit sa musique en y  ajoutant des bases de plus en plus solides. Cela se retrouve par exemple sur le titre éponyme de son premier album ; Anarchie. Ouverture du projet, son entrée sur ce morceau (en plus d’installer l’auditeur dans une ambiance sinistre) souligne les capacités du mc. Ce qui est d’ailleurs d’autant plus percutant c’est le calme avec lequel il rappe. Si cela ajoute à l’obscurité du titre, on retrouve ce calme sur le titre Pas la paix l’année qui suit. Et ici les structures de rimes du premier couplet sont intéressantes. Si on reprend le classique schéma étudié au collège ; rimes croisés, embrassées, etc.. On constate qu’il les alterne de façon réellement intéressante. Il est malgré tout trop souvent oublié qu’il s’agit d’un artiste à la plume affûtée. Doté d’une réelle technique dont il use sans fioriture et sans excès, rendant ces passages bien plus percutants.

Cette force de frappe sur le plan lyrical se retrouve alors inévitablement sur l’un des ses albums majeurs ; JVLIVS. Pensé comme une œuvre cinématographique mise en musique, le storrytelling y a toute sa place et les images fusent dans notre esprit à l’écoute d’un tel projet. Prévu comme une trilogie, on comprend mieux la raison qui le pousse ; aujourd’hui, à sortir Rooftop. Le travail nécessaire à la construction d’un projet comme le Tome 1 demandait forcément une pause avant d’appréhender la suite de l’œuvre.

Si on ajoute cette écriture à la polyvalence de l’artiste c’est une fois de plus un très bon point pour SCH. Ce n’est pas juste un bon rappeur mais également un bon chanteur. J’attends sur Deo Favente en est la preuve, sur ces notes de guitare il montre ce dont il est capable. Comme par exemple l’usage de l’autotune dont j’ai parlé plus haut, ce qui une fois de plus ajoute une réelle dimension à sa musique.

Il sait rapper, il sait chanter, il remplit donc simplement ce qui est demandé à un artiste en place comme il peut l’être en 2019. Mais lorsque tous ces éléments sont mélangés on en arrive à un artiste très complet comme peu le sont ces dernières années sur la scène mainstream du Rap Français et à cela s’ajoute un dernier point..

SCH et le haut standing

SCH vient d’en bas, il aime le rappeler, comme un grimpeur qui lors de son ascension reste solidement harnaché. C’est ce qui construit l’artiste d’aujourd’hui ; ce lien perpétuel à son enfance et à son évolution en tant qu’homme. Entre affaires sombres, peines de cœur, amour et tristesse il ne cesse de placer dans ses textes des envies de grandeur. On se souvient tous de sa célèbre phase, se lever pour 1200 c’est insultant et ses aspirations sont alors bien plus grandes. Devenu un véritable slogan ; même lors de manifestation, SCH c’est une représentation du succès, l’idole des ambitieux, de ceux qui veulent le monde, au même titre qu’un Booba ou PNL ; une nouvelle fois.

Le banquier m’dit : « Julien, là on est borderline »

Mais y’a du fric à faire, fuck la déontologie

SCH – Cervelle

Dans l’imagerie, dans ce qu’il dégage ; il y a aussi quelque chose de fort. Pas mal de réactions suite au clip de Ca ira issu de Rooftop dans lequel on le voit arborer des cheveux ondulés, cela s’étendant jusque ses sappes, il incarne une forme de luxe qui fait forcément rêver. Mehdi Maïzi en parle d’ailleurs dans la vidéo de Joss, ces vêtements sont uniques et collent à l’artiste. Cette incarnation du charisme ajoute indéniablement à l’image du rappeur, ce qui complète une fois de plus l’univers dans lequel il se place. Ils sont finalement assez peu à savoir jouer sur ces codes également et c’est peut être ce qui contribue à le rendre si unique dans le paysage rapologique en 2019.

Tous ces éléments font alors de Julien Schwarzer l’un des meilleurs rappeurs de la décennie, et pourquoi pas même de ceux qui entrent au Panthéon de l’histoire du Rap Français ? L’avenir nous le dira mais la place il se la fait peu à peu, et il n’y met pas que le doigt.