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Oboy : Univers émergent

Oboy : Univers émergent

Connaissant un succès en forte expansion l’année dernière, Oboy est le rookie qui a su s’imposer comme une des nouvelles têtes montantes de la nouvelle scène rap francophone. Présent depuis 2015, nous vous proposons de faire un retour sur la carrière de l’ancien membre du collectif Way Boto. Une jeune carrière qui laisse déjà présager un bel avenir musical. Atmosphère sombre et lyrics tranchants, bienvenue dans l’univers d’un créatif qui devrait briller malgré sa noirceur..

Alliant cloud rap et sonorités plus brutes, il a construit, au fil des années, une identité musicale forte en puisant dans de nombreuses influences (Migos et Booba notamment). Il se fie aux tendances sans jamais trop s’en approcher. Faisant partie d’une scène en plein essor, avec des artistes comme Bitsu, il est l’un de ceux qui ont réussi à rendre sa musique accessible à un public plus large. Mais il est également un artiste créatif et inclassable s’approchant régulièrement d’une volonté de bouleverser les standards. Fidèle à lui-même, il fait preuve d’une certaine nonchalance au micro tout en traitant la musique avec sérieux.

Il émerge aux yeux d’un public moins niché avec Omega, une ouverture, un disque plus grand public, sans pour autant renier son essence. Mais il est intéressant d’observer d’où il vient. Son aventure en solo commence en 2017. Dès le départ, il faisait déjà étalage de deux de ses intérêts : drogue et sexe rythment son quotidien. Construit de 7 titres, Olyside est un format court sur lequel on perçoit déjà les prémices d’un grand artiste en devenir. Il se cherche, tente des choses, expérimente. Usant d’un vocabulaire assez brut et frontal, il définit son écriture par des phases spontanées, faisant preuve d’une certaine lucidité dans ses propos. Il nous conte l’histoire de sa vie, sans passer par du storytelling, comme en témoigne le titre Rollin Up qui amorce ce qui deviendra les fondations de son univers. Oseille, histoire d’un soir et liqueurs sont de la partie, dans un mélange de styles qui le caractérise. D’ailleurs, c’est avec un certain travail sur le traitement des voix qu’il nous fait passer d’une atmosphère à l’autre.

Crédit photo : Roxane Peyronnenc
(@ roxanepeyronnenc)

L’évolution se poursuivra sur Southside où sa palette musicale s’étoffe. Il donne plus de matière, de consistance et de profondeur à l’ensemble. Le projet apparaît mieux construit, avec une direction artistique intéressante qui se dessine, porté par des morceaux forts comme Cobra ; véritable ovni dans son genre. Mais on peut également retrouver le titre qui accompagne n’importe quelle session ride, SLS. L’imagerie, elle aussi commence à être plus développée. De plus en plus de visuels font leur apparition à la période de sa sortie. En clippant 5 des 8 titres de ce court format, il renforce l’expérience en mettant des images sur les mots. On observe rapidement, qu’excepté le titre Cobra, tous sont tournés de nuit, collant à l’atmosphère globale du disque. Il est intéressant de noter qu’il avance en solitaire, comme en témoigne l’absence de featurings sur les deux projets.

On peut voir Omega comme la formule prenant le meilleur de ses deux précédents formats.

Pour son premier album, il a décidé de faire appel à l’équipe de producteurs LE SIDE. (Alois Zandry, Machyniste & Someone). Le fait de travailler avec eux permet d’avoir un projet homogène et cohérent du début à la fin. Cette proximité se tient sur un long format tout en permettant à cet artiste éclectique de s’exprimer sur des sonorités diverses et variées. Passant du Cloud à la Trap en faisant un détour par la Grime Londonienne, Oboy sait tout faire, et maîtrise chaque milieu musical auquel il s’essaye. On se retrouve ici avec un album plus entraînant, que l’on peut voir comme sa carte de visite puisque le projet est encore plus complet et diversifié que les précédents. Certains parleront de Southside comme carte de visite mais Omega est la synthèse d’un Oboy maître de ses différents points forts, on a affaire là à un artiste plus abouti, prêt à lancer ce qui deviendra les véritables fondements de la suite. Il est peut-être un peu tôt pour parler d’un accomplissement ou d’une concrétisation, mais il est observable que c’est sur ce disque qu’il va sur plusieurs terrains diamétralement opposés. Il parvient habilement à les faire cohabiter au sein d’un long format bien pensé. On notera la présence d’Aya Nakamura (probablement due à la connexion avec ses beatmakers) ainsi que Dopeboy qui ont contribué en partie à mettre en lumière ce projet d’envergure. 

Ce disque est sûrement l’un des plus intéressants de 2019 et ce, pour plusieurs raisons. À l’heure où les blockbusters de 2019 sont, si l’on ne doit en citer que deux, Destin de Ninho ou encore Mr.Sal de Niska, on se rend rapidement compte que cette formule tend à s’essouffler pour une partie du public français. Les projets “formatés” et prévisibles sont certes encore aujourd’hui ceux qui fonctionnent le mieux et ce qui sont les plus exploités au niveau commercial, le “mainstream”, et Oboy tend à venir casser ce schéma. Fort d’un succès exponentiel sans pour autant se dénaturer, il parvient à placer certains morceaux dans le top des charts. Le public se montre plus ouvert, plus curieux qu’auparavant, mais ce n’est pas le seul élément déclencheur. Il sait jouer des codes. Il ne s’en affranchit pas totalement, mais il sait les utiliser en sa faveur. En dehors du point abordé plus haut, les collaborations, on peut le noter avec le morceau Avec toi. Véritable œuvre dans son temps, la prod vaporeuse accompagnée d’un texte rempli d’émotions à su parler à beaucoup. Le track a même eu le droit à son clip plusieurs mois après sa sortie, preuve de son succès. Oboy est, en partie, le reflet d’une génération. En s’émancipant des codes et en se livrant à son public, il établit un lien fort, créant alors une certaine proximité avec eux. Il reste certes un personnage, mais son quotidien paraît alors plus palpable.

Un disque relativement important de la fin des années 2010, par ce qu’il apporte, dans la continuité de certains projets qui tendent à amener une certaine ouverture au rap plus mainstream.  Après une seconde partie de décennie où le rap a probablement connu un deuxième âge d’or, Oboy fait partie de ces artistes qui ont su apporter quelque chose de nouveau dans la musicalité notamment en mélangeant les genres. Loin de se cantonner à ce qui était déjà établi, il vient bouleverser les codes comme ont pu le faire des artistes comme Laylow ou Kekra, par exemple.

Si vous êtes passés à côté, il est peut-être temps de vous attarder sur Oboy. Omega est disponible en cliquant ici. Travaillant déjà sur la suite, il ne serait pas étonnant qu’il soit présent cette année avec un nouveau projet, qui, on l’espère, confirmera les attentes que nous plaçons sur lui.