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Niro, l’Obstiné

Niro, l’Obstiné

J’ai mis assez longtemps pour me mettre à écouter Niro. Bien évidemment, je connaissais son existence sur le damier rapologique mais j’avais jamais fait le premier pas vers sa discographie. Pourtant, je l’avais paradoxalement beaucoup entendu sur les featurings (Bande de Putains Remix, Canete, les 5 Fantastiques, Narco, etc..) mais la première fois, c’était sur Paname Boss en 2012. Je voyais Niro comme cette pâtisserie à la boulangerie, dont on se dit que la prochaine fois, on testera mais à chaque fois on reprend la même chose. Au final, j’avais jamais pris le temps mais en même temps, il faut dire que sa musique n’est pas forcément la plus attractive vue de l’extérieur. Pourtant, une fois plongé dans son univers, on retrouve une certaine beauté qui se dégage de tout ça. Récemment, j’écoutais Surnaturel de Rohff et quand j’ai entendu son couplet sur le morceau Persona Non Grata, je me suis dit que j’avais perdu assez de temps comme ça. Plutôt que de refaire une rétrospective de sa (grosse) carrière album par album, je vais tenter d’expliquer pourquoi c’est un artiste très intéressant. Mis à part le fait que Niro possède un des meilleurs blases de rappeur (s/o Robert).

Amour et Désamour du succès.

Ce qui est cocasse avec Niro, c’est que peu importe le succès, il aura toujours la même hargne, il est ultra déterminé et on a l’impression que rien ne peut l’arrêter. L’article a failli s’appeler « Niro, le rappeur opiniâtre » d’ailleurs. Dans ses sons, on retrouve une sorte de double discours : Il désire autant le succès qu’il le déteste. En effet, d’un côté, on sent que sur certains morceaux il veut avoir le statut et les sous du n°1 et en même temps, il explique qu’il ne le veut pas tant que ça et qu’il n’aime pas vraiment se mélanger. Niro, c’est une sorte de loup solitaire qui sait ce qu’il fait et qui finit par faire son bonhomme de chemin de son côté, loin de la “meute”. (Bon, j’avais écrit ça avant d’écouter Loup Alpha où il dit que « les loups Alpha marchent toujours au fond de la meute » bref).

Au début de sa carrière, malgré quelques exceptions, la musicalité était relativement brute mais toujours fluide et agréable. Ce qui se dégage essentiellement de sa carrière, c’est la sincérité et la force de certaines images dans son écriture. Contrairement à d’autres artistes qui peuvent tendre vers le larmoyant, lui parvient à toucher directement l’auditeur sans jamais tomber dans le pathos.

J’sais c’que ça fait de chuchoter, de marcher sur la pointe des pieds, quand y’a les huissiers derrière la porte
J’leur souhaite la mort quand la daronne pleure toutes les larmes de son corps

Niro – Fiers de nous.

On sent que Niro, c’est un produit de la rue sans qu’il ait besoin de le revendiquer ou même de l’utiliser comme un slogan marketing vide. De toute manière, s’il « mentait », après autant d’années, il aurait fini par être “démasqué” et ses écrits auraient une autre teinte.

Pour le citer à nouveau, il disait aussi dans le Freestyle pour Booska-P E.T “ça sent la rue sans forcer”. Il n’en est pas spécialement fier et n’en a pas honte pour autant, il la porte exemplairement et ça rend l’écoute agréable. Ce côté rappelle un peu le groupe Tandem et la connexion se fera ensuite puisque Mac Tyer posera plusieurs fois avec Niro.

En adéquation avec son époque.

Plus le temps passe, plus il va s’ouvrir à de nouvelles musicalités et adopter de nouveaux flows. Il a vraiment ce côté imprévisible et si on faisait écouter des morceaux comme Sors de ma tête voire même Vamos au Niro de l’époque de Paraplégique, même lui serait surpris. Cependant, je ne pense pas qu’il ne s’y reconnaîtrait pas totalement. Le fait que les prods sur ses derniers projets s’adaptent avec brio à son époque est une force et une chance pour que les nouveaux auditeurs adhèrent. Par exemple, quand on écoute le banger On est prêt, produit par Pyroman (le hitmaker), on est à deux doigts d’espérer un album commun tellement le résultat final est réussi. Niro, aujourd’hui peut vraiment attirer à la fois les jeunes et les anciens grâce à l’authenticité que l’on retrouve dans ses sons.

Une fanbase ultra fidèle.

En parlant d’attirance, Niro n’a jamais vraiment explosé au niveau des ventes (ou alors pas encore à l’heure où j’écris ça) et pourtant il a peut-être les fans les plus fidèles du rap français. Les fans de Niro sont ultra présents pour lui, et il y a une réelle relation entre eux et l’artiste. C’est d’ailleurs sûrement parce que leur artiste est très brut, atypique et avant tout honnête avec eux. Même s’il essaie de faire des efforts, ce n’est pas le genre d’artistes que l’on verra partout, il fait assez peu de promo et d’apparitions médiatiques. En réalité, Il n’en a pas spécialement besoin car sa fanbase ne le lâche pas et attend impatiemment des nouveaux projets. C’est essentiellement dû à une période où il était ultra présent en featurings (comme a pu faire Lil Wayne) qu’il peut se permettre d’être un peu moins présent aujourd’hui. Même si j’ai évoqué son côté un peu brut, au final, ça reste essentiellement sur le plan musical.

En regardant quelques interviews, on peut voir que c’est quelqu’un de très laid back et drôle (cf cette superbe interview pour RapElite)

Outre la polyvalence et ses petites fulgurances de haine, dans le style de Niro (c’est pas un jeu de mot nul), on retrouve dès les premiers projets une réelle maturité et un vécu d’ancien. C’est d’ailleurs ce dernier côté qui nous pousse à le réécouter.

Un succès à venir…?

Heureusement pour lui, on vit une époque où le “rap street” connaît un nouvel essor. Que ce soit avec Sofiane, YL, Rémi ou encore Heuss’ et biens d’autres… Cette scène qui était relativement en retrait au milieu des années 2000 est désormais bien mise en avant; ce qui signifie que logiquement, le succès de Niro devrait être exponentiel dans les prochaines années. D’autant plus, qu’on sait que c’est quelqu’un de très intelligent et qui sait s’adapter à l’industrie sans pour autant changer l’essence de qui il est vraiment. Tant qu’il ne se trahit pas et qu’il fait des morceaux .

Espérons donc que le streaming lui fasse du bien et que sa fanbase soit toujours aussi solide au fil du temps. Pour l’instant, il a ce qu’il mérite, il vit de son rap et même si on le voit pas trop, ça reste logique et cohérent et il reste surtout un pilier du rap de rue.