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City Morgue : La Plaie Ouverte

City Morgue : La Plaie Ouverte

Si je vous dis « rappeur new-yorkais avec le visage couvert de tatouages intimidants, criant dans l’essentiel de ses sons et ayant pour thèmes récurrents la violence, la drogue, les armes et les gangs » et que vous me répondez 6ix9ine et bah c’est faux et cet article est fait pour vous. 

City Morgue m’a introduit à un nouveau genre musical ; la « trap métal » c’est-à-dire un mélange entre le rap sale en provenance du sud des Etats-Unis et un des dérivés du hard rock. Deux univers qui, de prime abord semblaient assez éloignés, mais qui en s’y penchant de plus près ont une grande similitude artistique : l’animosité. City Morgue est inspiré par cette violence hardcore, elle englobe leur discographie et est abordée de manière explicite, et parfois plus subtilement. On peut comparer leur musique à un spectacle morbide et douloureux semblable à une plaie ouverte. 

La plaie ouverte : un spectacle morbide

Le groupe formé par Zillakami et Sosmula nous transmet leur art d’une manière très crue, c’est choquant et fascinant à la fois comme un grave accident de la route. Les paroles respirent la violence : « I’ma just shoot ’til you drop (Rrah) I’ma just spit in your face You gon’ get hit with the gauge (Yeah) Take the pin out the grenade, n* And we’ll go piss in your grave » (Sosmula dans SHINNERS13) et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Le duo ne manque pas d’inspiration pour dépeindre la manière dont ils torturent, volent, et tuent leurs ennemis. Les lyrics nous font aussi bien comprendre qu’ils sont armés jusqu’aux dents, et qu’il tirent pour tuer, s/o le lance-roquette dans la vidéo de SHINNERS13. A ce cadre idyllique s’ajoute bien entendu la drogue qu’ils consomment et vendent en grande quantité. 

Zillakami et Sosmula ont forgé cette identité musicale sanglante dans la rudesse de la vie de quartier new-yorkaise. Leur manière de livrer ces menaces paroles est plutôt extrême. En effet, les deux artistes étirent leur voix dans les extrêmes, tout en restant relativement audibles et distinctes. Zillakami a une voix plus grave et gutturale que son compère, ce qui lui permet d’apporter de la profondeur aux sons, son style est aussi plus poétique et abstrait. Sosmula va quant à lui se démarquer par ses couplets coupe-gorges facilement mémorisables qui vont davantage monter dans les aigus. 

L’animosité se retrouve aussi dans tout ce qui entoure leur paroles. Zilla et Mula ont un talent remarquable pour les backs. Nous avons tout d’abord les hurlements qui surgissent des enfers ici et là, puis les récurrents et agressifs « okay » de Zilla puis mon petit préféré les contagieux « wassuuuup » qui donnent une rythmique prenante aux punchlines. A cela s’ajoutent les multiples cris de Mula que ca soit le « boom boom », le « work » ou le « bloaw ». Ces backs mettent l’auditeur en état d’alerte et renforcent la dangerosité des musiques de City Morgue. L’agressivité est aussi grandement élevée par les productions orchestrées majoritairement par Thraxx et par le caractère lapidaire des sons. La juxtaposition des sonorités lourdes en basse de la trap avec les riffs déchirant des guitares métal crée une étrange osmose, qui avec les paroles, rend la musique électrique. Leurs chansons, déjà très imagées sont aussi très largement complimentées par (pour) les visuels rugueux et crus de leurs clips. C’est très simple, leurs paroles parlent de violence, de drug addicts, de prostituées et d’armes et bien leurs clips vidéo montrent de la violence, des drug addicts des prostituées et des armes. 

Une plaie béante c’est sanglant et brutal et c’est la raison pour laquelle c’est comparable à l’expression artistique de City Morgue. Ils nous livrent un spectacle estomaquant et étrangement fascinant mais qui n’est pas sans conséquence.

Une douleur envahissante ?

Une plaie ouverte implique une douleur plus ou moins intense en fonction de la gravité de la blessure, pour City Morgue la douleur est encore lancinante. Si dans toute leur discographie règne la violence, cette dernière est abordée de différentes manières ; frontalement comme vu précédemment, mais aussi de manière plus indirecte, plus introspective voire même thérapeutique. Dans certains morceaux ils remueront le couteau dans leurs plaies en explorant les séquelles douloureuses de leurs passés et nous livrerons avec emphase leurs pensées noires. 

Sosmula est introduit à la galère et à la violence très tôt. En effet à 12 ans, il vendait déjà du crack et peu de temps après jouait déjà avec des armes. Si bien que dans certains couplets, il contemplera sa jeunesse perdue et ses nombreux déboires avec la justice. Dans ce registre introspectif se démarque directement le son screaming at the rain qui avec ses notes de guitare grunge pose d’emblée un cadre sombre et tourmenté. Sosmula va y évoquer la perte douloureuse de Woozy l’un de ses plus proches amis, et dira ensuite qu’au rythme où cela va il n’est même plus au courant de qui meurt autour de lui. Ce sentiment de routine malsaine est renforcé dans Draino où le rappeur nous fait part du dur quotidien de son quartier : 

CNN, Fox 5, 10 o’clock news (Bitch)
Mom’s stressed, kids stressed, and pops too (Boom-boom)

City Morgue – Draino

Sosmula, toujours dans Draino explique qu’il refuse d’aller en thérapie et qu’il préfère se droguer. Les stupéfiants lui donnent le sourire car ils lui permettent de s’évader et lui rapportent de l’argent . « I’m in Percocet heaven all because of you (Fuck outta here) » (THE GIVE UP). Il admet tout de même avoir de la peine pour ses clients, on retrouve cette dualité quand il va réitérer la fidélité à son gang et en même temps avouer que ce style de vie lui fait avoir des pensées suicidaires. 

Dans Screaming at the rain, Zillakami nous livre un véritable dialogue interne où il s’incrimine et culpabilise des choses qu’il a faites. Il se torture l’esprit sur comment il va pouvoir aller de l’avant positivement avec son triste vécu. Cette auto-flagellation se retrouve dans Draino où Zilla pense carrément ruiner tout ce qu’il touche. I cannot see who I was before I died and was reborn as a dog I cannot look myself in the mirror I cause quakes Last to touch everything that breaks (Okay) » (DRAINO). Dans the cauldron, on retrouve cet esprit fataliste avec l’image de la plaie béante «  Deep wounds what the fuck will fucking ice do ?”

En 2017, à 18 ans, avec fraility Zilla évoquait déjà lui aussi des pensées suicidaires en parlant de sacrifice. En 2020, même avec le succès l’artiste va dans the give up s’interroger sur le pour et le contre du suicide afin de tout abandonner et ne plus connaitre la douleur. Dans ce genre de couplet, on ressent la souffrance de Zilla et comment la douleur lui semble presque insurmontable, il tente de l’oublier en se reposant sur qu’il a battit et ce dont il est fier, notamment sa musique. 

Le duo se retrouve dans l’idée fataliste que le dark side prend largement l’avantage et qu’il vaudrait mieux l’accepter du mieux qu’ils peuvent ; d’où le rôle crucial de la drogue. C’est n’est que tout récemment qu’on remarque le travail qu’ils font sur eux pour mieux accepter la douleur « Can’t catch tears when they’re all down the drain Can’t cry now, but can self-medicate » avec ces lyrics plutôt optimistes pour le groupe ils estiment que le mal est fait et qu’il faut faire de son mieux pour s’en détacher et aller de l’avant. 


SosMula et Zillakami souffrent d’une grave blessure laissée par leurs vécus respectifs. Cette lésion désagréable qu’ils nous dévoilent explicitement les fait souffrir au jour le jour mais moins qu’au début de leur carrière. Ils ont une vision assez défaitiste de la vie certes mais leurs accomplissements commun en tant que groupe leur permet de rester à flot. Ainsi, Il semblerait que la plaie ouverte que nous expose City Morgue bien que toujours impressionnante est en bonne voie pour une lente guérison. 

One thought on “City Morgue : La Plaie Ouverte
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    3 septembre 2022

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