Sofiane Pamart & Scylla – Petit Prince
J’écoutais l’album Pleine Lune et dès les premiers titres, je commençais à regretter l’omniprésence musicale de Sofiane Pamart, son pianiste. Au départ, je me disais que contrairement aux projets précédents, le fait de n’avoir que le piano comme unique composante de l’instrumentale faisait que Scylla devait se restreindre à une teinte particulière. J’avais aussi le sentiment qu’il ne pouvait pas faire exactement ce qu’il voulait et qu’au lieu de l’accompagner, il semblait que le piano donnait la trajectoire à suivre. Malgré tout, j’ai continué l’écoute lorsque soudain j’entendis les premières secondes du morceau Petit Prince.
Bienvenue, ça commence par un piano et quelques notes…
Sinik – Dans le Vif.
Sans le remarquer, le piano m’avait sorti de mon cheminement de pensée et de mes critiques insidieuses. Puisque je suis une groupie de Scy depuis super longtemps, j’ai pu écouter toutes les fois où il a pu collaborer avec Sofiane Pamart. D’ailleurs, le nom de ce dernier commençait, petit à petit, à apparaître de plus en plus aux côtés des artistes (de Médine à Hugo TSR…). Même après avoir écouté toutes ses prestations, je suis convaincu qu’ici, c’est sa plus belle intervention, que ce soit dans sa carrière ou sur le le projet. La douceur des premières notes me fait même dire que Scylla n’a pas hésité une seule seconde avant de choisir cette composition.
Le fait que le titre soit une référence au classique de Saint-Exupéry est logique quand on connaît le rappeur. Aux premiers abords, on pense aux caractéristiques du Petit Prince, c’est à dire à l’insouciance et au côté très candide qui rappelle le stade de l’enfance. En effet, dans Le Petit Prince -que tout le monde (ou presque) a lu-, le protagoniste vient d’une planète lointaine et découvre au fil du livre l’Homme et ses contradictions. (cf L’homme qui avait honte de boire mais qui buvait parce qu’il avait honte)
En bref, ce côté immaculé et fascinant du Petit Prince correspond bien à l’image qu’il a de son fils, encore loin de toute influence néfaste et détaché de tout. De plus, l’analogie prend encore plus de sens quand on repense au morceau Vivre.
Pour recontextualiser, Scylla a perdu sa mère et lui avait dédié ce morceau -très- touchant. Du coup, bien qu’assez implicite, il y a une idée d’héritage qui se prolonge. Il regarde son fils avec bienveillance et admiration, comme a pu le faire sa mère auparavant.
Dans Petit Prince, Scylla inverse la hiérarchie traditionnelle du parent qui prend le soin d’enseigner à son enfant et ici, c’est lui l’élève. C’est lui qui apprend de la part d’un enfant qui ne sait pas encore parler et qui pourtant semble s’exprimer avec des non-dits. Chez Scylla, il y a toujours eu une fascination pour l’enfance. Même s’il répète que dans la sienne, il n’y avait Rien à Remplacer, il a toujours eu un regard admiratif sur cette époque. A tel point qu’il a développé depuis l’album Masque de Chair, une sorte d’attirance dans la projection altruiste. (Je m’explique). En gros, le schéma est simple, il incarne le discours assez classique (un peu comme celui de la Princesse Mononoké) de celui qui déteste l’être humain (coucou Fuzati) et déteste notamment la direction que peut avoir la société.
En revanche, puisqu’il ne devient pas une Keny Arkana engagée contre le système capitaliste, deux choix s’offrent à lui. Soit il optait pour la contemplation de l’autre et tente “d’avoir sur le monde un regard sans haine”, soit il cherche à dépasser sa condition d’Homme. Du coup, il va choisir les deux. Dommage, je l’aurai bien vu avec un keffieh en criant “la rabia del pueblo” mais c’est une autre histoire.
Du coup, sur le projet il va, par exemple, entrer dans la volonté de dépasser sa condition, comme il a pu le faire dans Blade Runner, où il incarne un robot (Replicant*) plus humain que les humains ou encore entrer dans des histoires ésotériques qui dépassent l’entendement comme dans Le Fantôme sous les toits.
Au final, le morceau est assez court, à l’instar de ce petit article mais il regroupe essentiellement tout ce que j’aime chez Scylla. Le traitement de sa voix est moins grave que sur d’autres morceaux, on le retrouve même chantonnant sur la fin du morceau. C’est aussi doux et paisible qu’un samedi dans un plaid face à une cheminée ou qu’une balade dominicale dans un parc vide. Je retire donc toute critique envers Sofiane Pamart, j’ai été totalement conquis. Du coup, la morale de l’histoire, c’est qu’il ne faut jamais juger un album avant la fin (et qu’il faut relire le Petit Prince même si on a un âge à deux chiffres).