Autobahn : simplicité, authenticité, intensité
En optant pour Niobe et LIF comme morceaux porteurs de son projet, SCH semble avoir d’entrée de jeu prévenu quant à la tonalité vers laquelle s’orienterait sa deuxième mixtape. Et ce n’est définitivement pas celle de l’allégresse ou de la légèreté.
J’ai du skinny, j’ai du Nicki, j’suis la base, pas l’générique et j’m’inquiète quand y a zéro leak et j’casse tout depuis « Aniki »
– Niobe
Bien que succédant au deuxième volet de sa trilogie musicale JVLIVS, Autobahn ne se détache en aucun cas de l’aspect cinématographique de SCH, désormais caractéristique de sa musique. Qui plus est, en tant qu’héritière de l’iconique A7, Autobahn n’avait pas le choix. Le projet se devait de prendre une direction sombre et presque indigeste totalement assumée. C’est totalement le cas, le projet, plus qu’intense, ne laisse aucune place à l’imagination, SCH se révèle très cru, avec une musicalité donnant le rythme d’une certaine sincérité. De fait, le projet se veut très simple musicalement, pas d’autotune (ou très peu), des refrains courts, tout ça accompagnés d’une diction claire et apathique. Cependant, simple ne vaut pas simpliste et le projet jouit ainsi d’une véritable intensité, sans temps morts, fortifié par une tracklist relativement courte à l’ère du streaming (14 titres hors bonus). En outre, le message qui en ressort est clair : si t’es pas content, c’est pareil.
SCH rappe et se distingue du reste par une posture au micro emplie de certitudes : dans cet immense circuit de la mort, ce qui compte, c’est la précision, et il l’a bien compris : dans ses placements, le rappeur est millimétré. Au fil de l’écoute, un calme apocalyptique affirme violemment son règne et rien ne semble pouvoir venir le bouleverser. Les boucles des rythmiques sont sans fin et contrastent à l’évidence avec la force tranquille dont fait preuve l’originaire d’Aubagne, qui continue sa route sur le système autoroutier allemand. De fait, si le deuxième tome de JVLIVS appelait à la chaleur torride du sud de l’Europe, Autobahn évoque inévitablement, en tous points et sans nul doute davantage, le calme et la froideur outre-Rhin.
Attache de l’importance aux munitions et à la condition,
– Offshore
J’en fais qu’un sans réédition, aucune émotion
Cette froideur donc, structurelle d’Autobahn, ne dispose pas du seul atout d’immerger l’auditeur dans un univers impitoyable et placide. Cela renforce et vient consacrer les envolées lyriques de notre rappeur car il se confie, et a du mal à le faire. Cet aspect lyrico-sentimental prend davantage d’envergure tant le projet va de l’avant, ainsi, à l’image de nombreux d’autres albums de SCH, rien de mieux qu’une intro énergique, violente et impétueuse au possible pour arriver inéluctablement sur une fin douce-amère, au sein de laquelle SCH dévoile des sentiments bien plus intimes.
Serré comme le cœur, noire est la vision, j’ai la prison en visio’ mais j’ai grandi sans père
– Actes
En ce sens, Autobahn dispose d’un fil rouge incontestable. Le projet, bien qu’étant officiellement une mixtape, sans doute car il s’agit de la suite officieuse d’A7, ne se révèle en aucun cas défait ou brouillon et ne constitue à aucun moment un simple enchaînement de morceaux. Le projet est rythmé, séquencé par les bruits incessants de moteurs et de roues filant à pleine vitesse sur l’asphalte. Tout ceci agrémenté de divers samples, notamment extraits de productions cinématographiques s’accordant merveilleusement aux choix artistiques d’Autobahn, à l’image de Taxi de Luc Besson, à la fin d’Offshore. Toutes ces petites touches et ces détails ont leur importance au sein de l’écoute du projet et viennent agréablement enrichir l’écoute et constituer une véritable identité au projet.
Finalement, Autobahn semble s’esquisser comme un objet à part dans les sorties de têtes d’affiches, pas de refrain dansant ou très peu, une direction claire et simple, purement rap et sans faux-semblants. Même le morceau le plus “ouvert” et éponyme du projet n’apparaît pas comme une tentative de hit peu assumée, tant ce dernier s’insère dans une continuité. Aux premiers abords, Autobahn peut paraître plat, infini et en somme peu intéressant. En réalité, le projet dispose d’une réelle intensité, de l’énervement contenu d’un SCH volcanique qui n’a désormais plus besoin de prouver. En de nombreux points, Autobahn fait écho à l’intro de JVLIVS II : Marché noir. Une force tranquille au milieu d’un immense incendie que rien ne semble pouvoir arrêter.