Interview de 7 Jaws
Le nom de 7 Jaws revient de plus en plus souvent dans le paysage du rap francophone. Pour en apprendre un peu plus, Cul7ure est parti à sa rencontre.
Cul7ure : Ton projet Steam House est sorti le 19 Octobre. Encore une fois le titre fait référence à Jules Verne. D’où ça te vient ces références “externes” au rap ?
7 Jaws : Ce que j’apprécie chez Jules Verne, c’est que c’est le premier à avoir fait des récits fantastiques. Avant lui, c’était que des livres historiques, des romans policiers, des trucs dans le monde qu’on connaît. C’est le premier à avoir fait ce choix d’aller dans un univers complètement imaginaire mais cohérent, et ça a influencé tellement de monde ! Moi aussi, je suis un grand amateur de fantastique, donc cet univers m’a plu, donc j’suis parti sur ce délire là.
Cul7ure : T’as commencé à évoquer le nom de Steam House dès le début 2018, c’est assez long comme teasing, c’était volontaire ?
7 Jaws : Non pas du tout. Pour être honnête, j’avais fini Steam House 10 mois avant sa sortie, mais vu que j’avais des intérêts de la maison d’édition Sony ATV qui voulait sortir le projet et que ça a pris beaucoup de temps avant de signer je l’ai gardé de côté, mais je sortais des sons : Timon, Pop Star, des freestyles. C’était pas prévu que ça prenne autant de temps, mais ça m’a permis de prendre de l’avance. Là je suis en pleine période de production, j’ai pas mal de sons en stock, on va pouvoir attaquer 2019.
Cul7ure : Steam House et Nautilus ont été préparés en même temps ? Tu savais la couleur qu’ils auraient ?
7 Jaws : Non, du tout. J’ai sorti Nautilus, puis j’ai taffé Steam House. Y’a une couleur différente quand même, l’identité est plus présente sur Steam House. Je me sens plus à l’aise et plus identifiable, c’est parfait pour ce que je produis maintenant.
Cul7ure : Tu te sens comment après avoir sorti un projet ? T’es soulagé et tu passes à la suite, comme tu l’as dit tu te mets directement à bosser sur la suite, ou bien tu restes quand même regarder les retours, ce qu’en pensent les gens ?
7 Jaws : J’pars directement sur la suite généralement. J’ai des objectifs que j’ai évidemment pas encore atteint, donc je donne tout dès que je peux. Dès que je peux, je fais du son.
Cul7ure : Justement, l’un des premiers morceaux qui a marché, c’est 3h30, c’était un banger qui t’a amené pas mal de public, c’est peut-être même ton morceau le plus connu…
7 Jaws : Il est en train de se faire rattraper par Pourquoi j’pense à la mort !
Cul7ure : Tu t’y attendais à ce que ça soit ceux-ci qui marchent, c’était calculé, pour lancer la machine ?
7 Jaws : Pas du tout ! 3h30, c’est le premier clip que j’ai sorti, c’était vraiment pas du tout calculé, avant j’étais que sur Soundcloud, j’ai sorti ce premier clip, ça a bien fonctionné, et ce qui est marrant, c’est qu’aujourd’hui c’est encore le clip le plus vu chaque jours ! Beaucoup de gens me demandent de refaire des morceaux comme ça, et justement, je pense que le prochain single qui sort a une petite ambiance similaire j’espère que ça va plaire.
Cul7ure : Tu m’as parlé de Sony ATV, ton éditeur, tu peux nous expliquer en quoi ça consiste ?
7 Jaws : Dans la musique, y’a plusieurs structures. Les maisons de disques ont des labels. Tu peux signer soit en tant qu’artiste, soit en tant que licence, les labels concernent surtout ce qui est le production; ils apportent une aide; l’éditeur lui sert à protéger tes oeuvres, gérer les droits, et ils apportent un financement, une aide au développement considérable.
Cul7ure : Donc ils touchent pas à la musique ?
7 Jaws : Non, par contre ils prennent un pourcentage sur tes droits d’auteur., vu qu’ils aident au développement, ils financent. Ils donnent une avance pour que tu puisses vivre de ta musique, et en contrepartie, ils prennent des droits.
Cul7ure : Ca reste toujours la même manière de préparer un projet ?
7 Jaws : Ce qui change, c’est que grâce à l’éditeur, j’ai droit à des sessions studio gratuites. Ils ont des deals avec des studios, et j’peux y aller gratuitement quand je veux. Je peux entrer en contact avec des producteurs qui sont signés dans la même maison d’édition. Il y a beaucoup de producteurs en édition, puisque leur argent vient surtout des droits. Tout ça, ça fait un gros vivier de producteurs. Justement, en ce moment j’suis à fond en studio avec des producteurs, ça charbonne.
Cul7ure : Forcément, financièrement y’a plus aucune galère ?
7 Jaws : Ouais, là j’fais que du son, c’est une bonne avancée pour moi, je veux vivre du son et rien d’autre, je travaillais avant, et je veux plus. Enfin, je travaille dans la musique, mais c’est vraiment ce que j’aime !
Cul7ure : Les ep c’est pour monter en buzz avant l’album, ou tu le fais naturellement pour trouver la formule qui marche, tester des trucs ?
7 Jaws : J’aime bien sortir des projets, pas que des singles, même si cette année on va envoyer pas mal de singles clipés avant le projet, les clips c’est important, je m’en suis rendu compte; mais ouais, les EP c’est un format sympa. Bien sûr, je vais commencer à travailler sur des trucs plus gros, mais avant ça, que je monte encore, donc avant je vais sortir des clips.
Cul7ure : On peut les imaginer pour quand ces “trucs plus gros” ?
7 Jaws : Je pense qu’en 2019 on aura déjà quelque chose !
Cul7ure : On attend ça ! Je réécoutait ton projet Neketsu Trap il y a quelques jours, y’a vraiment un côté amateur, depuis t’as évolué, et c’est bien normal, mais il y a un trait qui n’a pas bougé, c’est ta relation avec le Japon. D’où te vient cet intérêt pour cette culture ?
7 Jaws : Quand tu rappes, t’utilises tes références, moi je me suis défoncé aux mangas et aux animés depuis toujours, donc forcément vu que c’est ma culture, c’est venu naturellement. Ensuite, dans une période un peu spéciale de ma vie, je suis parti au Japon pour faire le vide, j’y ai rencontré un mec qui s’appelait Nabile Quenum, qui est maintenant décédé, c’était un photographe. Il m’a dit qu’il fallait que j’aille vers ma passion plutôt que vers un métier alimentaire, il m’a vraiment donné de la force, donc quand je suis rentré de ce voyage j’ai déménagé sur Paris pour me mettre dans le son. J’y vais tous les ans depuis 3 ans, cet été je vais y retourner, je sais pas d’où ça vient, mais je me sens super bien là bas, j’y rencontre toujours des gens incroyables, je suis très attaché à ce pays. Par contre je suis pas bloqué dans un délire où je fais que des sons avec des designs, des sonorités japonaises, parce que c’est un truc qui se fait trop en ce moment et ça m’a saoulé, mais je peux pas non plus m’en empêcher. Ca fait partie de moi, mais je veux pas que tout tourne autour de ça, parce que c’est beaucoup trop exploité en ce moment.
Cul7ure : Autre chose par rapport à tes textes : à première vue, y’a beaucoup d’égotrip, mais quand on creuse, on trouve un mal-être. C’est par pudeur que tu dissémine ce genre de phases ?
7 Jaws : C’est vrai, si tu regardes bien, entre trois phases égotrip, y’a toujours un truc un peu plus personnel, au début je faisais souvent ça, parce que c’est plus facile de faire de l’égotrip. J’utilise la musique pour m’exprimer. Maintenant, j’essaie de canaliser tout ça, et des faire des sons complets où je m’exprime clairement. Comme je le dis souvent, avec le micro au studio, ce qui est cool c’est que tu parles à personne puisque t’es tout seul dans ta cabine, mais y’a des gens qui vont t’entendre, donc y’a cette sécurité de te dire que tu te confies, mais à personne. C’est comme quand tu lâches un tweet à 3h du mat’ pour dire que t’es pas bien, tu le dise à personne, mais tu le dis à tout le monde à la fois. La musique me sert à exprimer des trucs que je pourrais pas exprimer autrement. Je fais toujours des sons égotrip parce que c’est marrant, il en faut, mais les sons plus personnels j’essaie de les canaliser, plutôt que de tout mélanger. Mais parfois j’peux pas, c’est un truc que je fais naturellement.
Cul7ure : On t’a vu au Planète Rap de BigFlo et Oli, c’est surprenant de te voir en radio. Comment tu t’es retrouvé là bas ?
7 Jaws : BigFlo me donne de la force depuis un an. Il a partagé deux de mes sons sur Instagram, il m’a invité à son Zénith pour discuter dans les loges…Il apprécie beaucoup ce que je fais, il a dit à Planète Rap qu’il m’écoute avant ses concerts, je trouve ça trop bien ! Il me soutient, je respecte à fond le bonhomme, c’est un mec vrai. De nos jours, un mec qui fait disque de diamant et qui ensuite partage un jeune qui n’a rien fait encore, ça n’existe plus. Lui le fait, il s’en bat les couilles. Après, dans sa musique, y’a des sons que j’aime bien, d’autres que j’aime pas, comme lui surement, y’a surement certains de mes sons qu’il n’aime pas, mais c’est surtout humainement que c’est un bon gars. Donc il m’a invité à son Planète Rap, dans la continuité de toute cette force qu’il me donne, donc encore merci à lui. A son frère aussi, mais bon, c’est surtout à Big Flo que je parle.
Cul7ure : Justement, à ce Planète Rap, il y avait aussi Zamdane, qui y est sûrement allé de la même façon que toi.
7 Jaws : Exactement ! C’est aussi Big Flo qui l’a invité. Zamdane c’est un bon gars, on est devenus bons potes.
Cul7ure : Vu que vous êtes devenus “bons potes”, on peut s’attendre à un feat un jour ?
7 Jaws : Bien sûr, c’est clairement envisageable !
Cul7ure : Encore par rapport à tes potes : Lee Kokoro semble se réveiller…
7 Jaws : Ca y est, il a réglé quelques soucis, là il m’envoie quelques sons, ça va être très lourd, vous êtes pas prêts !
Cul7ure : On peut s’attendre à un projet en commun ?
7 Jaws : Pour l’instant ça va être compliqué pour un projet entier. Par contre, des feats c’est sûr, je met mon grain de sel dans ce qu’il fait, on avance ensemble. C’est pas nécessaire de faire des projets ensemble, chacun a son univers à développer. Par contre, des morceaux ensemble, y’en a déjà eu, y’en aura d’autre, c’est sûr. Des scènes ensemble…On est tout le temps ensemble, on se parle tout le temps…C’est la famille.
Cul7ure : En parlant de scène, le côté performance, concerts, freestyles, ça a l’air d’être une chose importante pour toi, c’est une chose assez rare chez les rappeurs de ta génération, d’où ça te vient ?
7 Jaws : Je suis hyper attaché au côté humain, je suis passionné par les gens en plus d’être passionné par la musique. J’ai fait mon premier concert solo le 15 novembre à Paris au Point Ephémère, c’était blindé, c’était incroyable, y’a un moment où j’étais perdu, ça s’est vu. Je comprenais plus rien. Même si y’avait pas 1 000 personnes, pour moi c’était incroyable que des gens que je connaisse pas viennent, qu’ils payent leur place, qu’ils connaissent mes sons, qu’ils les chantent. J’étais pas prêt. Même si c’est pas énormément de monde, pour moi c’est énorme; c’est des humains qui viennent, qui connaissent ma musique, et qui sont touchés par ce que je fais. J’étais k.o. juste avant de monter sur scène, quand je suis ressorti j’étais sur-excité. Ils envoient trop de force. Tu peux pas être un artiste comblé si tu rencontres pas ton public, que tu partages pas ces moments. Après le concert je suis resté dehors 1 000ans avec eux. Pour moi c’est l’un des trucs les plus importants, c’est le public qui te donne la force de continuer, c’est très compliqué de toujours croire en ton rêve, donc si t’as toujours des gens pour te donner cette force, c’est parfait !
Cul7ure : C’est important de respecter le public
7 Jaws : Ouais, c’est pour ça qu’on a préparé le live, qu’on a ramené un batteur, qu’on a retravaillé les morceaux pour la scène, pour pas que les gens se disent “il a passé ses sons il s’est barré”. Les gens payent 13 balles, ils se déplacent, faut pas se foutre de leur gueule ! Faut donner toute l’énergie que t’as à donner.
Cul7ure : Un mot pour la fin ?
7 Jaws : Merci beaucoup Cul7ure ! 7 Jaws, Cul7ure, tu connais, c’est ici qu’ça s’passe, Lee Lee !