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Stamina, la fin d’un cycle

Stamina, la fin d’un cycle

Stamina, est le 3ème album de Dinos et vient clore une trilogie commencée en 2018 avec Imany. Comme souvent dans une trilogie, le 3ème opus n’est pas le meilleur et l’enchaînement Imany/Taciturne/Stamina, ne fait pas exception.

Des débuts réussis

Dinos, anciennement Punchlinovic, est un rappeur originaire de la Courneuve. Stamina, conclut un run de 3 albums en 3 ans. Il semblerait d’ailleurs que ce soit le dernier avant un bon moment pour l’artiste.

Son début de carrière est marqué par ses performances aux Rap Contenders et notamment ses battles durant les éditions 4 et 5, son duel face à Lawid puis son duo avec ce dernier face à Lunik et Mic Orni. Dinos y est encore jeune mais il montre une insolence et une confiance en lui sans pareille. Il se démarque notamment par un grand sens de l’humour et la réelle volonté d’achever son adversaire. Ces deux battles, devenues iconiques, ont permis à l’époque de mettre en lumière sa musique.

A ce moment, il n’a alors sorti que le projet Thumbs Up. Des sons comme Prieuré de Sion et Schweppes Agrum’ & Chicken Chicka ou bien ses freestyles Capsule Corp se démarquent. La Capsule Corp. justement, c’est le nom de son collectif d’alors. En référence à la société du père de Bulma dans Dragon Ball, on y retrouve des rappeurs comme Luidji, Beeby, Tuerie Balboa, FSS et Pesoa (devenu Fomo).

En vue de confirmer ces bons débuts, Dinos enchaîne avec deux EP. D’abord il sort L’Alchimiste et sa superbe cover en 2013, où il développe davantage son univers. L’année d’après il sort alors Apparences, projet porté par le premier grand succès de sa carrière, le titre Namek. Certains en parlent comme d’un classique et le track est toujours très efficace aujourd’hui. On peut d’ailleurs constater que Dinos continue d’ailleurs de le jouer en concert.

La suite est plus compliquée pour l’artiste de la Courneuve. Signé chez Def Jam, il a des désaccords avec le label, qu’il quitte, aux côtés de son manager Oumar Samaké, pour se développer selon son propre chef et conserver sa liberté artistique.

Entre 2014 et 2018, il est peu présent mais sort tout de même quelques titres à l’image de Chapelle Sixtine, ou de l’EP sorti sur Youtube Toujours Pas Imany mais Presque. Cela s’explique par la grande exigence de l’artiste, qui, pour son 1er album ne veut rien laisser au hasard et souhaite créer une œuvre qui lui ressemble. Durant ce laps de temps, il tronque le « Punchlinovic » de son nom de scène et travaille sur cet album qui se veut très spirituel. Imany signifie « la foi » en Swahili et c’est un thème qui apparaît de plus en plus souvent après Apparences

D’Imany à Stamina,

Imany est donc le 1er album de Dinos et sort le 27 avril 2018. C’est un projet très complet, l’artiste y dévoile l’ensemble de sa palette et se montre grandi vis-à-vis de ses précédents EP. On y retrouve une multitude de styles et dans l’ensemble Imany est vraiment réussi. Dinos se montre autrement plus mélancolique mais ce sentiment est bien contrebalancé grâce à des titres ensoleillés comme Havana et Malibu et Rue sans nom. Les featurings, bien que peu nombreux, sont admirablement choisis. On y retrouve Ateyaba et Youssoupha qui apportent leur patte et sont réellement complémentaires avec l’univers de Dinos. L’édition deluxe ajoute aussi de belles touches au projet avec des titres comme Placebo ou PFW.

Deux des gros succès de cet album, Helsinki et Les Pleurs du Mal ont des ambiances relativement froides et Dinos semble vouloir s’inscrire dans ce créneau en annonçant que son prochain album serait conçu pour la saison hivernale. Il annonce ainsi Taciturne, qui sort le 29 novembre 2019. Le ton est donné et l’effet est réussi, malgré une tonalité glaciale, Taciturne varie tout de même les ambiances et les apparitions de Marie Plassard, Jacky Brown, Manu Dibango (RIP) et Dosseh donnent de la profondeur à des morceaux dont l’énergie est déjà variable. L’écoute de Taciturne oscille donc entre différentes ambiances, certes hivernales, mais avec des surprises comme N’tiekar, Franck Ocean ou Taciturne, le titre éponyme. Le constat est d’autant plus positif que l’album sort en 3 versions, dont 2 avec des morceaux bonus différents, qui ont par la suite été ajoutés sur les plateformes de streaming. La version deluxe : Taciturne – Les inachevés est en revanche moins mémorable. Dinos a décidé d’offrir les maquettes et autres titres non finis en attendant son prochain album. Le mouvement est intéressant mais pas forcément bon à l’écoute. Outre la « polémique » déclenchée par ce choix, peu de titres sont à retenir sur cette version.

Taciturne est alors devenu disque d’or, quelque jours avant l’annonce de Stamina,. C’est un bel accomplissement pour Dinos qui semblait attendre cette consécration.

J’suis l’mec que tout le monde aime bien mais qui vend pas beaucoup d’skeud,
Mais tout ça c’est fini, tout ça c’est fini, j’te l’jure devant Dieu

Dinos – On meurt bientôt

Stamina, ou l’endurance

1 an après Taciturne, Dinos dévoile Stamina,. C’est un projet qu’il vend comme étant le meilleur de sa carrière et une nouvelle fois, réalisée pour une consommation hivernale, avec ses avantages mais aussi ses défauts.   

En effet, Stamina, est un très bon album et fait partie de ceux qui ont marqué l’année 2020, tant par sa qualité que par son démarrage formidable et inédit pour Dinos, en termes de ventes. 

En revanche, si l’introduction d’un album en dit long sur son contenu, Dyptique est un excellent indicateur. Les titres du projet s’enchaînent et l’on distingue difficilement plus de deux styles délivrés par Dinos sur cet opus. On retrouve le kickeur que l’on connaît. Mais on retrouve aussi, comme annoncée, cette manie de vouloir faire du rap « triste ». L’exemple du titre Césaire est le plus parlant. Lui-même affirme que sa démarche créative est de faire un titre de « drill triste ». L’idée est intéressante, car inédite, mais venant de Dinos cela semble forcé. Le fait que cette démarche soit volontaire et assumée rend la spontanéité de ce projet inexistante.


De la spontanéité, tout était fait pour qu’il y en ait dans Stamina,. Dinos n’écrit plus totalement ses textes. Il explique être allé au studio, non pas dans le but de sortir un album mais simplement pour faire de la musique, créer. Tous les éléments sont présents pour sortir des sentiers battus et qu’une œuvre nouvelle, autour d’un univers maturé en ressorte. Dinos a raté le coche et s’est enfermé dans la case du rappeur triste, mélancolique en perdant son impertinence et son sens de l’humour qui rendaient sa musique spéciale, qui lui permettait de marquer une œuvre de son empreinte. Alors qu’il a pris le temps pour sortir son 1er album, le voilà qu’il réalise un run de 3 opus et deux éditions deluxe en 3 ans. De l’endurance, il en faut forcément mais le danger est d’en manquer et de ne pas réussir à se renouveler. 

Tout n’est pas à jeter, loin de là. De façon isolée, chaque titre est bon, mais l’écoute de l’ensemble du projet est trop monotone. C’est le projet de Dinos le mieux réalisé, le mieux construit et le plus cohérent. Mais finalement, ce n’est pas ce que l’on attend de sa part. Si l’on ajoute à cela certaines rimes téléphonées telles que « Fuck l’OPJ / J’suis comme Joe Pesci » sur Moins un, ou bien le passage extrêmement mal venu « Déçu de la vie comme une femme enceinte d’un viol », chantonné à plusieurs reprises sur Prends soin de toi, le constat s’alourdit.

Maintenant, il faut remettre Stamina, dans son contexte. En 2020, peu d’albums dits « mainstreams » ont proposé une meilleure formule et Dinos maîtrise fortement son sujet. C’est justement cette trop bonne maîtrise qui lui fait défaut, mais sur l’année, c’est l’un des tous meilleurs. Il comporte tout de même de nombreux points forts, la présence de Nekfeu, 7 ans après leur feat sur L’Alchimiste est une belle surprise pour les fans de la première heure et le titre est extrêmement efficace. De même, inviter Zefor plutôt que Zed ou Stavo comme beaucoup l’ont déjà fait est un excellent choix et la combinaison avec Zikxo est très bien sentie. Chaque featuring apporte un réel plus et est très bien travaillé. De plus, reprendre le refrain de Nuttea sur Demain n’existe plus est un excellent mouvement. Des titres comme Dyptique, Corbillard ou 93 Mesures sont vraiment efficaces et comptent parmi les meilleurs titres de sa carrière sur le plan technique. On le savait déjà mais, son sens de la référence est vraiment aiguisé et cela donne un supplément d’âme à Stamina,.

Malheureusement, l’ensemble manque de prise de risques et c’est dommage car Dinos nous avait habitués à innover sur chaque projet. L’aspect très cru d’une moitié de Stamina, et cette volonté de montrer qu’il est toujours un excellent rappeur ne suffisent pas car malheureusement Dinos a rejoint Solaar pour pleurer à ses côtés. Le projet manque d’émotion et semble trop lisse. C’est peut-être ce dont il avait besoin pour enfin avoir un réel succès commercial. Si la démarche est réfléchie ainsi, c’est formidable pour son développement car c’est un succès qu’il aurait mérité dès Imany et Stamina, devrait bientôt atteindre le disque d’or. Mais c’est dramatique pour sa musique et sa créativité, qui pourraient être bridées pour continuer à « réussir ».