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2Pac – Me Against the World, 25 ans plus tard

2Pac – Me Against the World, 25 ans plus tard

R.I.P le GOAT

Le 13 septembre dernier, cela faisait très exactement 24 ans que nous perdions sans doute le rappeur le plus influent de l’histoire : Tupac Amaru Shakur dit 2Pac ! Inutile de présenter le rappeur tant il est une figure importante non seulement du hip-hop mais dans tout domaine confondu. Il est encore cité par beaucoup de rappeur d’aujourd’hui comme l’un de leur rappeur préféré comme A$AP Rocky ou Kendrick Lamar qui avouera avoir rêver que Pac lui ait dit de continuer et de ne pas laisser sa musique mourir. Il sera le premier rappeur solo de l’histoire à être intronisé au Rock & Roll Hall of Fame en 2017. Mais plutôt que de revenir sur sa vie et ses accomplissements, chose que beaucoup ont déjà très bien fait comme Maxime Delcourt et son ouvrage sur le rappeur sortie en 2016. Nous allons revenir sur un album sorti en mars 1995, soit un peu plus d’un an avant le décès du MC californien. Un album qui a clairement forgé la légende de 2Pac et le mythe qui l’entoure. Il a fêté ses 25 ans cette année, mesdames et messieurs : Me Against the World

Fuck the World…

L’enregistrement de cet album se fait dans une période très tourmentée de sa vie. En effet, il enregistre Me Against the World alors qu’il est accusé de viol en 1994, acte qu’il démentira jusqu’à sa mort. Il sera condamné à une peine de prison allant de 18 mois à 4 ans et demi mais sera libéré en octobre 1995 après qu’un certain Suge Knight ait payé sa caution d’1.4 million de dollars, mais ça c’est une histoire pour un autre jour… Lors de cette même année, il est arrêté six fois par les forces de l’ordre pour différentes affaires. Avec toutes ses choses lui tombant dessus au cours de l’année 1994, le MC californien était très énervé et en avait après la terre entière. Le producteur et membre du groupe Outlawz : Moe ZMD déclarera que l’album était supposé s’appeler Fuck the World, une belle façon d’exprimer sa colère envers le monde qui semblait lui tourner le dos. 

Au moment de l’enregistrement de l’album, 2Pac est déjà une star grâce à ses deux albums précédents 2Pacalypse Now et Strictly 4 My N.I.G.G.A.Z… mais surtout grâce à son rôle dans le film Juice où il joue le personnage de Bishop. Par conséquent, toutes les caméras sont braqués sur lui lorsque tous ces événements lui tombent sur la tête. Quand Pac est interrogé au sujet de l’album voici ce qu’il a à dire :

Me Against the World est vraiment pour montrer aux gens que c’est un art pour moi. […] Ainsi l’album est profond, réfléchi. C’est comme un disque de blues. Ça vient de moi. C’est toutes mes peurs, toutes les choses qui m’empêchent de dormir. Tout le monde pensait que je vivais si bien que je voulais l’expliquer. Et il a fallu tout un album pour tout sortir. Le but de l’album est d’expliquer mon mode de vie, qui je suis, mon éducation et tout le reste. Il parle des rues, mais il en parle sous un angle différent.”

Il sera malheureusement en prison lors de la sortie de l’album et ne pourra donc pas profiter du succès que son troisième album connaîtra. Il sera certifié double disque de platine le 2 décembre 1995 soit plus de 2 millions de ventes en à peine un an. L’album se positionnera à la première place du Billboard 200, ce qui fera de 2Pac le premier artiste de l’histoire à avoir un album au sommet des charts en étant incarcéré. Connaissant tout le contexte qui entourait le rappeur au moment de la production de l’album, parlons maintenant de ce qui est sûrement le plus important : la musique et l’album en lui-même.

À cœur ouvert

Si cet album est tant apprécié non seulement par les fans de 2Pac mais aussi par la critique générale – il sera placé dans la liste définitive des 200 albums de tout les temps du Rock & Roll Hall of Fame – c’est non seulement dû à la qualité musicale mais aussi au contenu et aux paroles du rappeur. Comme dit précédemment, cet album est conçu comme un vrai album de blues. Le MC d’Oakland déverse toutes les peines qui l’envahissent et cela dès l’intro du projet. Dans cette dernière, pas de paroles de 2Pac, seulement une boucle de guitare et piano très mélancolique avec comme paroles les journalistes parlant de sa tentative de meurtre ayant eu lieu plus tôt en 1994. Même si on ne l’entend pas lui-même, l’intro donne la couleur pour le reste de l’album. L’album enchaîne ensuite avec deux de mes morceaux préférés de l’album If I Die 2Nite, Me Against the World avec Dramacydal et sûrement mon morceau préféré de la carrière de 2Pac : So Many Tears.

Sur If I Die 2Nite, titre produit par Easy Mo Bee, producteur légendaire et ami avec aussi bien avec 2Pac que Biggie, 2Pac s’exprime sur sa paranoïa (ou non) que quelqu’un veuille le tuer et qu’il veut se défendre avant même que les personnes passent à l’acte : “Plotting on murdering motherfuckers ‘fore they get you”. Les trois couplets remplis d’allitérations montrent la volonté du MC de prendre le rap comme un art, comme de la poésie (qui a dit que 2Pac n’était pas technique ?!). Ce titre contribue grandement à la légende qui entoure 2Pac. En effet ce morceau est tristement prémonitoire pour 2Pac car il se fera tirer dessus à cinq reprises dont deux fois à la tête au Quad Studios à Manhattan, New York. 2Pac pensera que ce sont Diddy et Biggie qui sont à l’origine de cette tentative de meurtre car il tentait de les rejoindre à l’étage avant que des hommes le braquent pour ses bijoux. En tentant de se défendre il sera fera tirer dessus. Cet incident sera l’origine du beef entre 2Pac et Biggie et plus globalement Death Row et Bad Boy quelques années plus tard.

S’en suit le morceau éponyme de l’album Me Against the World en featuring avec le duo Dramacydal. Ce morceau iconique de la carrière du rappeur avec des samples de Minnie Riperton et d’Isaac Hayes montre le niveau de paranoïa qu’a 2Pac dû aux recents événements de sa vie. Dans le refrain, chanter avec Puff Johnson, le rappeur dit n’avoir plus rien à perdre et que c’est lui contre le monde entier. J’ai toujours trouvé assez ironique d’avoir un morceau s’intitulant ainsi mais d’avoir des invités sur le titre. Le morceau est très personnel mais le rappeur reflète aussi sur les injustices qui ont lieu dans le ghetto jusqu’à encore aujourd’hui 25 ans plus tard… 

“Unless we’re shootin’, no one notices the youth”

2Pac est connu pour être une figure engagée dans la communauté afro-américaine, lui-même fils d’une Black Panther il est donc normal que ces propos reviennent dans sa musique. Pour montrer sa volonté de prendre le rap comme un art, le rappeur fait preuve de vraie technique sur son dernier couplet. Le morceau se retrouvera la même année dans la bande originale du film Bad Boys de Michael Bay avec Will Smith et Martin Lawrence montrant la popularité du morceau.

Passons maintenant à mon titre préféré de l’album : So Many Tears. La mort est un thème récurent sur cet album, rien qu’avec l’intro qui parle de la tentative de meurtre contre sa personne. Mais ce morceau est particulier. Quand Pac parlait de sa volonté de se livrer comme dans un disque de blues, je pense que ce morceau est l’essence même de cette volonté. Nous trouvons 2Pac plus vulnérable que jamais sur ce titre où il parle et décrit presque parfaitement la manière dont il va mourir l’année suivante. C’est en partie à cause de ce titre que nombreux s’amuseront à dire que 2Pac n’est pas réellement mort tant la description est quasiment parfaite. Le rappeur y parle aussi de son enfance et de la manière dont il a grandi. Le refrain est simple mais décrit parfaitement la souffrance que le rappeur traverse au moment de l’enregistrement. Entre chaque phrase du refrain, on peut entendre 2Pac invoquer le seigneur comme s’il essayait de se faire pardonner pour ses péchés en sachant qu’il allait bientôt le rencontrer… Le tout avec un harmonica sorti de That Girl de Stevie Wonder donne un morceau à mes yeux parfait et parfaitement mélancolique. Le clip tourné sans le rappeur mais avec une doublure étant en prison à ce moment, s’ajoute à la thématique de la mort ayant une partie tourné dans un cimetière, une autre dans une église pendant un enterrement et une dernière dans une chambre mortuaire.

Avançons maintenant jusqu’à la neuvième piste. Le premier single de l’album et sans doute le morceau le plus iconique de la carrière de l’artiste et un morceau que tout le monde ressort lors des fêtes des mères : Dear Mama. Le morceau est la preuve que même le plus dur des gars devient tendre quand il parle de sa mère. C’est une véritable lettre d’amour adressé à sa mère Afeni Shakur que l’on voit dans le clip. Elle décèdera en 2016. Dans ce titre 2Pac parle de la manière dont il a grandi et à quel point il était un enfant difficile mais que sa mère a toujours été présent pour lui. Il y parle aussi de sa demi-sœur et de la haine qu’il a pour son père même après le décès de ce dernier. Même si le morceau est majoritairement une lettre d’amour, on y retrouve aussi quelques blâmes envers sa mère comme sur son ancienne addiction au crack et le fait qu’elle l’ait virer de son domicile à seulement 17 ans. Le morceau est jusqu’à aujourd’hui considéré comme l’un si ce n’est pas le meilleur morceau sur les mères. Quand on lui demande à propos de ce morceau voici ce qu’il a à dire : “Je l’ai écrit pour ma maman parce que je l’aime et je sentais que je lui devais quelque chose de profond”. Le morceau est tellement populaire qu’il sera le troisième morceau de rap de l’histoire à être intégré à la bibliothèque du Congrès des États Unis.

Le morceau qui suit est un véritable plongeon dans l’état d’esprit du rappeur. Même si la prod de Tony Pizarro (très présent sur cet album) paraît ensoleillée et que le flow de crooner de 2Pac donne l’impression d’écouter un morceau californien à souhait, It Ain’t Easy est un véritable monologue intérieur du rappeur où il se demande s’il ira en prison ou s’il restera libre à cause de son affaire pour agression sexuelle. Il y fait aussi référence au shooting ayant eu lieu au Quad Studios et la paranoïa qui découle de ce dernier.

“I can’t sleep, niggas plottin’ on me, kill me while I’m dreamin’,
Wake up sweaty and screamin’,
‘Cause I can hear them suckers schemin’
Probably paranoid, problem is them punks be fantasizin’,
A brother bite the bullet, open fire and I died”

L’album présente certains moments pour respirer et s’échapper de cette mélancolie comme les morceaux Temptations, Can U Get Away ou encore Old School qui est un véritable hymne dédié à l’amour du rap et plus précisément celui des années 80, celui avec lequel il a grandi. Il y cite quasiment tous les rappeurs “old school” comme LL Cool J, Queen Latifah, Big Daddy Kane, Eric B & Rakim, etc. et raconte comment il a été amené à connaître leur musique. Le refrain est un sample du morceau Dedication de Brand Nubian : “I wouldn’t be here today, if the old school didn’t pave the way”. La mélancolie et la colère reviennent néanmoins assez rapidement avec Fuck the World, Outlaw et Death Around the Corner ; un autre morceau rempli de paranoïa et prémonitoire où le rappeur se voit mourir jeune. Il mourra le 13 septembre 1996 à l’âge de 25 ans.



25 ans après la sortie de l’album et 24 ans après la mort de l’artiste nous parlons toujours de ces derniers comme les meilleurs dans leur catégorie. Beaucoup considèrent Me Against the World comme le meilleur album de 2Pac au dessus du blockbuster All Eyez On Me mais ce qui est sûr c’est qu’il s’agit sûrement de son album le plus personnel et le plus important de sa carrière tant il possède des morceaux iconiques du rappeur et il est en grande partie la raison pour laquelle 2Pac est une telle légende. RIP Pac et à l’année prochaine…