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JVLIVS II : L’incendie reprend

JVLIVS II : L’incendie reprend

En 2017, SCH confiait être dans un feu infernal sur l’outro Temps mort de l’album Deo Favente. On évoquait dans un précédent article que l’eau, sous ses différentes formes, était l’élément qui tempérait l’incendie de cet esprit torturé jusqu’au prochain projet. Il nous revient alors avec le tome II de sa trilogie JVLIVS, déjà très bien accueillie par son public.

La narration menée par la voix française d’Al Pacino (José Luccioni) justifie l’importance de ce feu dans l’interlude La Battue ; « Il est simplement né dans un incendie ». SCH lui-même reprendra chronologiquement tout au long de l’album cette causalité. Il confie être encore un éternel « amoureux du feu » dans le morceau Aluminium et se compare même à l’Etna, le célèbre volcan Italien. Sa plume, perturbée par les braises du passé et la remise en question de ses rêves de gosses, semble prendre une trajectoire plus sereine dans ce Tome II.

« J’suis né dans l’incendie » Zone à danger, « Grandit dans la fournaise » Fournaise, « Brûler depuis l’adolescence » Assoces, « J’ai traversé les flammes » Corrida.

Le déluge laisse place à de nouveaux pansements

Au-delà de la narration accentuée par le personnage mafieux de Julius, l’homme qui se dégage derrière ce mythe dévoile toujours ses états d’âmes. Ici, plus de reflet dans l’eau mais bien un pardon et une bataille entre vertus et vices qui continue d’être menée. La reprise de « L’enfer m’attend, vertu et vice, mais j’ai des habits neufs » dans le morceau Plus rien à se dire fait écho à Bénéfice présent sur le premier tome. La répétition appuie cette perpétuelle dualité entre le bien, le mal, le paradis et l’enfer. Sa réflexion se bouscule constamment mais cette vertu dont il parle semble être la patience, déjà citée en 2016 lors d’un freestyle Skyrock. Elle est finalement reprise une nouvelle fois dans le bonus Tempête ; « Patience et vertu et personne sait comment j’ai la dalle ». Un fil conducteur cohérent dans le processus d’écriture qui perpétue l’univers que nous offre SCH. 

Le fatalisme assez sombre qui se dégageait du Tome I dans lequel il regardait évasivement ses rêves tombés dans l’eau est remplacé par l’acceptation dans le morceau Zone à danger ; « J’ai pas honte de dire quand j’ai tort ». Une prise de conscience qui conduit à un éloignement inévitable des parasites qui alimentent ses névroses, il affirme vouloir partir et laisser les faux sans nouvelles. Cette éclipse solitaire est au cœur de sa pensée tout au long de ce projet « J’suis seul dans mes douleurs » déclare-t-il dans Raisons. Comme si le titre Allô Maman présent sur Anarchie était prémonitoire. Ce besoin intimement recherché prend tout son sens dans ce tome II et tempère l’incendie. 

Rien ne semble plus compter que la recherche d’anesthésiants. Outre la religion comme solution de pardon et d’introspection, la figure maternelle n’a jamais été autant présente dans la discographie de SCH. Citée une dizaine de fois sur un total de 19 titres, elle démontre son importance dans sa perception du monde et donc, dans son processus de cicatrisation. Les degrés des flammes souvent substitués par les degrés de son élixir agissent comme pansements superficiels. La recherche d’ivresse prend alors sa place pour atténuer la douleur d’un esprit soucieux.

Les espoirs déchus

L’angoisse du temps est bien ancrée dans l’écriture du rappeur Marseillais, illustrée avec justesse par les saisons. En 2017, il constate l’amincissement des arbres durant tout l’automne puis en 2018, l’envie de ne pas voir le printemps s’il doit mourir en été. Pour au final, affirmer en 2021 que l’automne reviendra tuer l’été. Une course contre le sablier, tourmentée par les remords qui naissent dans son sommeil et ce depuis Allô Maman : « La nuit je me réveille en nage noyé par mes tords, noyé par remords ». Il répond quatre années plus tard à plusieurs reprises pour réaffirmer l’abandon de cette lutte en exprimant qu’il a déjà perdu son sommeil et accumule dix années sans dormir. En bref, il apprend à vivre avec les traumatismes sans avoir l’illusion de trouver un remède miracle.

Cette angoisse et cette colère d’espoirs déchus s’atténue au travers de paroles plus sages mais se dissimulent discrètement au cœur des morceaux Parano et Grand Bain avec des cris étouffés par ce besoin d’oxygène.

SCH livre des performances étonnantes sur ce projet et continue d’entretenir sa relation schizophrénique qu’il exprime sur le titre Mafia ; « Je cause aux anges et je cause au diable ». Le côté angélique est guidé par ce besoin de trouver un chemin de paix et par cette recherche de pansements pour réussir son deuil. Le côté diabolique, lui, est constamment alimenté par les cendres d’un passé incurable.  


L’album se conclut par un titre qui répond à sa traversée des flammes, il s’entraîne à souffrir sans remèdes. L’outro Loup Noir reprend les thèmes principaux qui suivent SCH depuis le début de sa carrière sublimés par le personnage de Julius. Cette traversée n’est donc pas terminée, il doute encore de pouvoir apaiser ses plaies ouvertes. La thérapie d’une vie ne finit pas tant que l’écriture continue de libérer états d’âmes et incertitudes. Il continue d’écrire sans chercher les rimes pour répondre à ce besoin de décharger le cœur, livre-t-il dans Plus rien à se dire. SCH nous laisse ici avec un feu intérieur encore actif, reste donc à voir l’état de ce brasier sur le Tome final de cette trilogie.