Stensy, l’anticonformiste
Joueur, entre les codes du rap et du chant, il enchaîne les projets plus surprenants les uns que les autres, s’émancipe des codes classiques du rap français en repoussant ses frontières. Qui est Stensy, le rappeur le plus dissipé du rap game ?
Entré dans la scène française en 2017, sa musique est le miroir de ce qu’il voit, ressent et perçoit. L’univers de Stensy est, en quelque sorte, une philosophie à part qui décrit un quotidien mélancolique, ente description de la jeunesse d’aujourd’hui et critique des codes sociaux. Les codes, c’est ce dont Stensy s’émancipe. Loin des textes transgressifs de certains MC bien connus, lui transgresse non pas par les mots, mais par ses pratiques. Il pousse les normes à leurs retranchements en refusant le chant tout en rejetant le rap. Cette frontière poreuse dans sa musique, c’est Jean Morel qui l’a mise en avant pour la première fois. Invité sur Grünt, le rappeur souligne alors qu’il fait ce qu’il lui plait, sans se poser de questions. Il refuse lui même de se mettre dans des cases.
Aux frontières de l’intime.
L’esthétique et la mélancolie sont au cœur de la démarche du rappeur. Ses musiques se jouent des dictâtes des sociétés modernes et ses clips rappellent l’esthétique des années 1980. Il décrit avec une mélancolie qui lui est propre la vie d’un jeune lambda, en tension entre les rêves de gosses et la réalité brusque.
Ce n’est pas avec mon curriculum que j’aurai de l’or sur l’auriculaire.
Goldchain, Stensy, Rotations.
Il aime rappeler si souvent que la réussite est réservée à un petit nombre. La sienne, il la cultive par son art, sans prétention, avec humilité. Dans ses morceaux, il y a toujours un peu de rancune et beaucoup d’espoir, que porte son art. Les mots doux s’entremêlent aux phrases vulgaires, formant un tout qui dénonce autant qu’il apaise. Les relations amoureuses passent au second plan de son oeuvre, pourtant si souvent présentes chez les artistes de son genre. Il reste alors assez secret sur ce qu’il est et ce qu’il aspire à être, tout en dévoilant beaucoup. Cet entre-deux qu’il cultive fait de lui un des rares rappeurs français à mêler avec tant de précision intime et secret.
Des projets qui s’enchainent, mais qui ne se ressemblent pas.
Son premier projet, Rotations, sort en 2017. Du très rappé Goldchain au chant de T-Shirt Blanc, il présente dans cet EP de sept titres un goût certain pour le rap, qui n’en est pas vraiment. Club Vide, son dernier projet, viendra confirmer l’univers musical de Stensy, et avec, son anticonformisme. La cohérence, ce n’est pas ce qu’il cherche. C’est un expérimentateur, un provocateur malgré lui. Ce projet est bien différent du précédent : plus divers, moins limpide, plus fouillé.
Stensy développe sa plume en se détachant de plus en plus des codes du hip-hop, et en se dirigeant vers le chant. Pour le jeune homme, ce n’est pas dans des cases qu’il faut le mettre. Il est rappeur, chanteur, poète et tout ça à la fois. Il fait le choix de ne pas se poser de questions, et c’est ce qui fait de lui un artiste prometteur.
Un rap qui se chante.
Les textes de Stensy suivent les codes du rap. Ce qui fait de lui un rappeur à part, c’est la manière qu’il a de les dire, ou plutôt, de les chanter. Autotune très présent, il s’impose comme un artiste aux frontières entre rap et chant. L’hybridation musicale dans laquelle il évolue devient sa marque de fabrique. Il refuse qu’on lui attribue un genre, un rôle, une étiquette. Et pour ça, il pratique tout en même temps.
Nouveau dans le paysage musical, Stensy suit les codes autant qu’il les rejette. Cette ambiguïté musicale fait de lui un des artistes les plus intrigants quant à son identité artistique. Il fait partie de cette nouvelle génération, qui s’émancipe des codes classiques pour construire les leurs, et placer la « musique » avant le genre dans laquelle elle s’inscrit.