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Luni Sacks : l’art de la rime tranchante comme un cran d’arrêt

Luni Sacks : l’art de la rime tranchante comme un cran d’arrêt

Il arrive en 106 Flashy et repart avec ta biatch en carosse, c’est Luni Sacks. Tant intimidant qu’intriguant, ils se demandent tous : « Mais qui est-il vraiment ? »

Aussi menaçant que les nuages qui peuvent planer au-dessus d’Annecy, sa ville d’origine, le rappeur ne ramène pas dans ses textes des trombes d’eau mais bien des souffles glacés. Que ce soit dans les écouteurs ou dans les enceintes d’une Golf de 98 rouillée, une brume épaisse s’échappe de nulle part, venant embaumer l’espace, lorsque l’on entend Luni Sacks. Pour dresser un court portrait du personnage, il pourrait tant déambuler, vêtu d’un manteau de vignone, dans les couloirs du Loftus Hall, qu’on pourrait le trouver assis à une table de poker, dans un bar miteux de Sin City

Les seuls sourires qu’il daigne arborer sur son visage sont cyniques, remplis de malice. Personnage relativement discret et réservé, il flotte comme une ombre entre Annecy et Londres. Luni Sacks assure une culture et un style bien à lui. Adepte de la culture hip-hop et US old school, tu peux le trouver en Ralph Lauren ou en Dime, avec du Lil’ Louis ou du Big Hawk dans les oreilles. Côté cinéma, il affirme être axé en majeure partie vers les films noirs, remplis de mafieux, de répliques poignantes et de sang qui coule, comme Les Infiltrés ou Usual Suspects. Il va jusqu’à parler de la dépression chronique qui ronge Tony Soprano dans le titre Ralphie

J’disparais de ta vie comme un ghost, quitte les lieux comme Keyser Söze

Luni Sacks – Christy Mack

Ce qui le différencie majoritairement des autres, c’est la manière dont il utilise les mots et la tournure qu’il leur fait prendre. Il sait parfaitement de quoi il parle et ne tourne jamais autour du pot, au contraire, il s’assure d’aller droit au but. Grâce aux nombreuses références historiques et cinématographiques qu’il utilise, il se démarque et apporte sa pierre à l’édifice. Certains penseront que personne ne manie l’art de la référence mieux que Freeze Corleone, mais Luni Sacks le fait plus subtilement, plus implicitement. Leurs manières de faire ne seraient pas comparables, leurs sujets ne sont pas les mêmes. 

Luni sacks ne cherche pas à entretenir une image de bon garçon mais ne fait pas non plus dans la saleté. Son timbre de voix et ses lunettes fumées laisseront plutôt penser à un malfrat, à celui dont on a peur de croiser le regard, à celui que l’on respecte pour son charisme. Souvent accompagné d’une bouteille de London Dry à la Wiz Khalifa, il affirme qu’il est une « saleté d’alcoolo en apparence seulement », dans le titre Retour de Jaffar.

Flow aérien, style mystique comme les mecs de Memphis (Three6)

Luni Sacks – Bizness

Mystique, c’est bien l’adjectif qui pourrait définir Luni Sacks. Son projet Souterrain Son vol.1 supprimé de Haute Culture, quelques sons manquants sur SoundCloud, on se retrouve vite à faire l’ensemble des plateformes d’écoute afin de pouvoir accéder au huisclos de l’artiste.

En clair, Luni Sacks, c’est pas du rap français. C’est du rap ésotérique, du rap dont la majorité ne peut se saisir, et qui sera seulement transmit aux plus initiés. Car oui, écouter Luni Sacks demande une certaine préparation, tant physique que mentale, au risque de voir apparaître de larges cernes bleutées sous vos yeux, vous assombrissant le regard, et de n’écouter plus que le Malin. Ce qu’il fait de plus fort, c’est l’attente qu’il crée chez ses auditeurs à chaque phrase. La rime et le vocabulaire sont tels qu’on se demande continuellement « qu’est ce qu’il va bien pouvoir nous sortir cette fois ci ? » Mais lui seul le sait. Et l’impact est si puissant qu’on en redemande.

Une mixtape de son collectif Francis Trash, composé de Karl Ghost, Majdon Co et Lucas OPRV, voit le jour le 15 Mars 2018. Intitulée Francis Tape et contenant 12 titres, elle permet à chacun d’y trouver son compte. On pourra d’ailleurs y voir apparaître des producteurs comme Teflon Don, Izen, DMI LUNE ou encore Raaash. En passant par la douce et dansante voix de Lucas OPRV sur le titre Lambada, jusqu’au plus abrupte Majdon Co avec le titre Je ne vois que des hoes, la mixtape s’écoute de Janvier à Décembre, et pour notre plus grand plaisir. Luni Sacks semble avoir trouvé sa place et son équipe, pourtant, il aime prendre son temps. Durant l’année 2018, il postera, sans compter la Francis Tape, en tout 7 titres sur son SoundCloud, ce qui est peu, mais qui suffit amplement à nous faire languir pour la suite.

Nous allons rester les mains vides du 30 Décembre 2018 jusqu’au 31 Mai 2019, où Luni Sacks annonce son retour avec un EP de 4 titres en collaboration avec un autre membre de son collectif, Majdon Co. Bobolak Muzik est un EP que les deux artistes auront monté de leurs propres mains de A à Z, et le résultat est très bon. L’alliage des deux métaux précieux amène à une cohésion parfaite. Les 4 titres s’écoutent sans modération, et on sent que Luni Sacks sort de sa zone de confort, généralement axé sur le plus sombre, il livre ici une partie jusqu’ici presque inconnue de lui-même. On découvre l’artiste sur des titres entraînants, mélodiques, que Majdon Co à l’habitude de produire. Serait-ce lié aux premiers rayons de soleil de Mai qui annoncent l’été ? On n’en sait rien, et on préfère ne pas se poser de question. Place à la dégustation

Sans que nous ne nous soyons vraiment remis de cet EP, Luni Sacks annonce à la surprise de ses auditeurs la sortie imminente d’un nouveau titre, Fonekalls. Et le 25 Juillet 2019, le single fait carnage chez ceux qui attendaient. 2 minutes 22 secondes de rimes plus que tranchantes, une voix brute posée sur une prod de DMI LUNE, c’est encore mieux que ce qu’on espérait. Ce qui apparaît comme le titre le plus abouti de Luni Sacks jusqu’ici va l’amener à le clipper. Produit par Yeazer, le clip sort le 6 Février 2020. On peut y voir l’artiste égal à lui-même, à l’arrière d’une berline en costard et lunettes fumées, ou comptant des liasses de billet. Son dernier clip remontant au 25 Mars 2019, tout le monde est ravi.

Le  dernier titre en date de l’artiste, Adios, sorti le 19 Janvier 2020, laisse présumer que Luni Sacks est très loin d’en avoir fini avec le rap. Pour l’instant aucune information ne circule concernant la possible sortie d’un projet solo de l’artiste, la rumeur d’un volume 2 de Souterrain Son reste stagner, mais sans aucune certitude. Ce qui est sûr, c’est qu’on attendra le temps qu’il faudra