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Nessbeal – L’histoire d’un mec qui coule

Nessbeal – L’histoire d’un mec qui coule

Paru sur l’album Sélection Naturelle datant de 2011 et étant le dernier en date de l’artiste avant son retour à venir, le titre L’histoire d’un mec qui coule est le morceau qui ouvre le bal. Sur une prod de Gee Futuristic, le MC nous présente un son dont ressort une atmosphère pesante, lourde et dramatique. Il dépeint ici la tragique histoire d’un mec sombrant dans les profondeurs abyssales du mal, d’un état presque infernal.

Parlons de la prod, elle est faite pour ce titre. Il y a ces instrus qui pourraient correspondre à plusieurs types de textes et il y a celle-ci, confectionnée sur-mesure pour l’écriture de Nessbeal. Quand on mélange son écriture avec cette prod, on retrouve une ambiance particulière. Très sombre mais l’univers est étrangement plaisant. Le rythme, assez rapide, ne dérange pas mais fusionne avec le flow saccadé et parfois un peu lent de Nessbeal : mis-à-part au refrain où sans exceller dans un flow rapide, il kick de manière plus fluide sans vraiment s’arrêter.

Mais en même temps, ce flow saccadé justement c’est du Nessbeal. Il a ce style dans lequel il emboîte des mots ou des expressions, passant directement aux mots clés pour mieux imager ses textes.

J’suis comme Zizou, j’marche près du trophée, j’regarde pas

Toujours prêt du trophée, de cette gloire, Nessbeal semble être maudit dans ce Rap Jeu et doit toujours quitter le terrain sans toucher le trophée qui paraît pourtant si près. Ce qui rappelle cette idée est la première phase du second couplet

Le jour où j’vais mourir, j’espère ne plus faire partie d’ce mouvement
J’les ai appelés, ils sont pas venus quand j’étais vivant

Sans parler véritablement de haine, on ressent simplement une grosse déception d’un manque flagrant de soutien. Que ce soit de la part du public, reconnaissant pourtant son talent d’écriture certain mais aussi les médias ou encore les maisons de disques. Nessbeal c’est ce mec on sait qu’il est là, on sait qu’il rappe bien mais il y a pourtant ce plafond de verre au dessus de lui qui fait qu’il ne pourra jamais véritablement exploser. Il sait qu’il est doué, la frustration doit être d’autant plus grande pour lui qui se sent en train de se noyer alors qu’il a toute les cartes en mains pour rester sur le bateau qui finalement avance sans lui. Fatalement il y a un ras-le-bol qui s’installe chez ce type pour qui on ressent pourtant cette passion de la musique et du Rap, voilà pourquoi il espère ne plus faire partie du mouvement Rap le jour où il doit partir.

J’suis à une goutte de sperme de l’Enfer 

La chute pour Nessbeal est imminente et quand on sait qu’il s’agit là de son dernier projet ce morceau s’annonce comme prémonitoire. Il a conscience de ce danger imminent et de l’instabilité dans laquelle il se trouve. La mise en image est puissante et l’autoproclamé Clown Triste montre à quel point tout ne tient qu’à un fil et cela accentue d’autant plus le côté sombre et funeste du morceau. 

Le rappeur case des « AaoO » tout au long de son morceau, accentuant cette idée de morceau à l’ambiance dramatique, le « AaoO » c’est son gimmick et ici il prend un rôle vraiment important. Cela sonne comme si lui-même ; à la fin de ses phases était choqué de ses paroles dans le sens où elles reflètent totalement la situation dans laquelle il se trouve.

Mort cérébrale, C.63, aquaplaning, (Aaoo)

Le rappeur décrit ici une image de mort et… C’est efficace.
Si ce morceau est un coup de cœur pour moi c’est simplement car j’ai l’impression de retrouver ici une synthèse de la carrière de Nessbeal, on peut y voir une double lecture. On comprend évidemment qu’il s’agit d’un mec qui coule, au bout de sa vie mais il s’agit peut être aussi de Nessbeal qui s’est assez battu dans le Rap et qui se laisse emporter en cessant de lutter. C’est un triste constat de voir un rappeur aussi talentueux avorter sa carrière. Le monde s’écroule autour de lui et se sent seul, seul dans cette descente infernale. Il sent la fin, et finalement quand on sait qu’après ce disque Nessbeal avait annoncé la fin de sa carrière ça donne un sens encore plus profond au texte.