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La quête d’indépendance et la désertification des prisons dorées

La quête d’indépendance et la désertification des prisons dorées

Arriver au sommet sans accepter les mains tendues des maisons de disques : une vision de plus en plus partagée par les artistes. On pourrait remplacer ce mouvement par le concept dit « Self-made » ou « Que La Famille ». Entre notion d’ego et besoin d’accomplissement personnel, de plus en plus d’artistes recherchent cette quête d’indépendance en prônant la création de leur propre structure. En effet, le label apporte une vision artistique et participe à l’élaboration d’un plan de communication bien pensé, le tout accompagné d’une stratégie marketing adaptée. De nombreux rappeurs ont donc fait le choix de ne pas dépendre entièrement de tierces personnes, qui sont bien souvent éloignées de ce milieu, pour entretenir leur succès et perdurer sans attaches.

L’industrie musicale est un terrain scellé par de grands noms réputés. L’expansion du rap français et de ses chiffres records vient bousculer tout ce système enraciné qui semblait impossible à remanier. Un fossé inévitable se crée alors entre les valeurs promues par la “génération streaming » et la vieille école. Cette distance entraîne une volonté d’indépendance chez les rappeurs, indépendance qui passe notamment par la création de leur propre label. 

Comment ne pas citer les deux frères lorsqu’on parle d’indépendance? PNL l’a vite compris en créant QLF records dès leur premier projet sorti en 2015. Un pari audacieux à bannir les avances financières qui leur étaient proposées. Ce ne sont pas les seuls à avoir voulu quitter les grands groupes aux portefeuilles bien remplis pour délaisser cette soif d’argent au profit de valeurs propres à leur démarche. On peut aussi citer SCH qui clamait sur Rooftop : 

« Je voulais pas de patron je trouvais ça atroce »

SCH – Ah gars.

En 2018 il quitte Braabus Music après plusieurs désaccords et révèle cette envie d’indépendance avec son label Maison Baron Rouge. Plus monarchique, moins souverain, plus Julien et peut-être aussi plus Julius. À cette autonomie souhaitée, s’ajoute l’aspect familial évoqué plus haut puisque la présidente de son label n’est autre que sa maman. Le sentiment « Que La Famille » se propage jusqu’aux eaux Méditerranéennes. La proximité et la confiance semblent être alors des moteurs essentiels pour apprécier son rôle d’artiste et surtout l’entretenir dans le futur. Parmi les autres labels phares du moment, on retrouve aussi Panenka Music créé par Fonky Flav, ex-membre du groupe 1995. L’intérêt porté à ce label s’est constaté récemment avec l’offre d’un poste au sein de l’équipe qui a généré des centaines de candidatures en seulement quelques jours. Pour rappel, PLK, Georgio ou encore Tsew The Kid ont signé chez Panenka Music.
Ces derniers mois, Vald a lui aussi dévoilé la création d’Échelon Records en portant ce nouveau label par une mixtape qui regroupait les premiers noms signés. Un concept prometteur, crédible et qui regroupe une promotion en trois temps : le label, la mixtape, les nouveaux artistes. Ils sont encore nombreux à avoir franchi ce pas d’indépendance, on pourrait encore citer Jul (D’Or et de Platine), Kaaris (OG Records) ou encore Booba (Tallac Records puis récemment La Piraterie Music en 2020).  Cette motivation commune à endosser une nouvelle casquette permet d’exercer sur plusieurs terrains et d’imposer une nouvelle vision artistique.

La mise en avant des métiers de l’ombre 

En exposant leur label sur les réseaux sociaux, ces artistes introduisent au grand public des métiers de l’ombre.  Ils mettent en avant des professions qui ont pour objectif de porter la lumière sur les talents de demain : attaché de presse, chef de projet, community manager, directeur artistique et bien d’autres. Au-delà d’une simple entreprise, ces labels développent une vraie image de marque en commercialisant un merch qui va être floqué Échelon, Maison Baron Rouge, D’Or et de Platine… L’aspect « corporate » transgresse les frontières de la société classique pour se retrouver au cœur même de l’écosystème du rap français. Dans une époque où la revisite des codes traditionnels en entreprise est devenue une priorité et a toute son importance, ces nouveaux labels apportent une nouvelle vague auprès de cette génération qui arrive sur le marché du travail. Pour les artistes, de manière personnelle, c’est un moyen de ne dépendre d’aucune chaîne et de bonifier cette notion de liberté, tant recherchée.