3 Peat | Ice Cube : West Coast Champ !
Après avoir sorti un premier album avec un succès commercial et critique, un artiste est souvent sous pression et peut sortir un album assez décevant ou en tout cas moins apprécié que le précédent. Il est d’autant plus remarquable quand un artiste sort un deuxième album aussi bon voire meilleur que le premier (S/o Damso entre autres). Mais combien d’artistes arrivent à sortir trois excellents premiers albums ? Combien d’artistes peuvent prétendre avoir trois classiques d’affilée pour leurs trois premiers albums ? Le terme “Three Peat” est utilisé en NBA pour qualifier une équipe ayant gagné le championnat trois fois d’affilée. Ce terme est souvent réutilisé par les rappeurs américains – comme Lil Wayne pour l’intro de Tha Carter III – pour qualifier un rappeur ayant enchaîné trois bons albums. Ils sont assez nombreux et cet article sera donc le premier d’une série de trois articles chacun dédié à un rappeur différent. Ce premier article sera dédié à l’une des plus grandes légendes du rap américain et plus précisément du rap californien. Il était l’auteur des textes du groupe le plus dangereux du monde aka N.W.A. J’ai nommé : Ice Cube
S’il m’a fait questionner la discographie des autres rappeurs, c’est sûrement dû à l’enchaînement d’excellents albums à plus ou moins un an d’intervalle entre leurs sorties. Même si le thème de l’article est sur l’enchaînement de trois albums classiques, Ice Cube est l’un des seuls rappeurs capables de dire que ces cinq premiers albums sont des classiques. Nous pouvons compter en tant que premier album Straight Outta Compton sorti en 1988 avec N.W.A au vu du nombre de textes qu’il a écrit pour ce dernier. Il enchaîne ensuite en solo avec AmeriKKKa’s Most Wanted en 1990, Death Certificate en 1991 qui est sans doute mon album préféré du rappeur, The Predator en 1992 et Lethal Injection en 1993. C’est un run jamais vu auparavant dans le monde du rap et cela lui vaudra le titre de superstar très rapidement. Mais aujourd’hui concentrons-nous sur ses trois premiers albums solo en commençant par le premier.
AmeriKKKa’s Most Wanted
Ce premier album fêtait ses 30 ans l’année dernière et pour cette occasion Ice Cube nous donnait un lot d’anecdotes incroyables autour de l’album et de certaines tracks sur Instagram Live. Cet album survient un an après que Cube ait annoncé qu’il quittait N.W.A parce que Eazy E et Jerry Heller ne lui payaient pas ce qui lui était dû. Cube n’a donc pas d’argent au moment de la confection de ce premier disque. Il tente de négocier une avance pour l’album mais son label Priority Records lui promet de le payer une fois que l’album sera rendu, comme nous pouvons le voir dans le biopic sorti en 2015. Jerry Heller ayant refusé que Dr. Dre produise l’album, Cube décide donc de se connecter avec une équipe de producteur afin de lui donner le son qu’il voulait pour son premier album. L’équipe en question ? The Bomb Squad ! L’équipe de producteurs prestigieux notamment connus pour produire la quasi-totalité des albums du groupe légendaire de New York : Public Enemy. Cette connexion New York/L.A. peut paraître, aux premiers abords, improbable. Mais le mélange d’un son dur et déjà bien établi par P.E et d’un jeune rappeur ayant déjà bien fait ses armes dans un projet de groupe donne un résultat diablement réussi. L’album est un succès aussi commercial qu’en termes de critique. Il recevra les fameux 5 mics du magazine The Source qui était à cette époque LA référence en termes de critique d’album de rap, il n’était donc pas une tâche aisée d’obtenir la meilleure note possible. L’album est considéré comme un classique du rap américain avec des titres comme The Nigga Ya Love to Hate, Who’s the Mack ou Once Upon a Time in the Projects qui présentent la réalité des ghettos avec le racisme, les violences policières, la pauvreté et l’addiction aux drogues dures. Cet album permettra de confirmer ce que tout le monde pensait déjà : Ice Cube est un excellent rimeur et était un élément extrêmement important pour N.W.A.
Death Certificate
Si le premier album est chargé de textes racontant la dure vie des ghettos, alors le deuxième est le même mais shooté aux stéroïdes. Death Certificate sort en octobre 1991, soit la même année où Rodney King s’est fait tabasser par la police de Los Angeles après une course poursuite. L’album est chargé de références à la violence policière et au racisme systémique des États-Unis en général et cela rien qu’avec la cover. En effet, nous pouvons voir Cube dans une chambre mortuaire avec un corps recouvert du drapeau des États-Unis. Aux pieds de ce dernier, on retrouve l’étiquette “Uncle Sam”, figure allégorique du pays. Il y dédie même un morceau intitulé I Wanna Kill Sam où il explique sa volonté de tuer l’Oncle Sam, notamment par rapport à son comportement envers la communauté noire. Comportement toujours visible 30 ans après… L’album est divisé en deux parties : “The Death Side” et “The Life Side”. Il s’agit de mon album préféré du rappeur tant les prods de Sir Jinx, DJ Pooh et d’Ice Cube lui-même sont d’une rare qualité. Les prods sonnent anciennes parce qu’on ne produit plus de cette façon mais sont quand même explosives comme le premier son The Wrong Nigga to Fuck Wit. On y retrouve aussi des storytelling avec Alive on Arrival ou Us, des morceaux plus “conscients” autour des sujets touchant directement la communauté noire mais aussi des morceaux très West Coast comme Color Blind, My Summer Vacation.
Cet album sera certifié disque de platine en l’espace de deux mois malgré les polémiques liées à certains propos et notamment ceux dédiés à Jerry Heller dans le légendaire diss track dédié à ses anciens collègues de N.W.A : No Vaseline. Il s’agit de l’un des diss tracks les plus violents de l’histoire tant les propos contre son ancien crew sont crus, surtout le deuxième couplet dédié à MC Ren.
The Predator
Si l’album précédent est enregistré pendant que l’affaire Rodney King bat son plein, celui-ci est enregistré pendant les émeutes de Los Angeles qui ont lieu suite à l’acquittement des policiers responsables du passage à tabac et cela malgré la vidéo prouvant leur culpabilité. The Predator est donc le troisième album du rappeur de South Central et sort donc en 1992. Le titre de l’album fait bien évidemment référence au film du même nom sorti 2 ans plus tôt. Nous y retrouvons d’ailleurs des samples de ce dernier au sein de l’album. Cet opus lui permet de s’exprimer davantage au sujet des tensions raciales entre la police et la communauté noire avec notamment Who Got the Camera? où il raconte l’histoire d’un homme noir se faisant agresser par la police et qui demande aux gens de filmer. L’album est entrecoupé d’interludes où nous pouvons entendre Ice Cube répondre à des questions au sujet des polémiques qui l’entourent et il le fait aussi dans des morceaux comme We Had to Tear This Muthafucka Up où il s’exprime notamment sur les accusations d’antisémitisme qui l’entourent depuis ses propos sur Jerry Heller sur No Vaseline. L’album présente néanmoins des moments pour s’évader de cette atmosphère pesante avec sûrement le titre le plus iconique de sa carrière : It Was a Good Day. Il s’agit sans doute de l’album le mieux construit de la carrière du rappeur et les chiffres lui donneront raison avec une première semaine de 193 000 disques vendus. Cet album lui permettra d’obtenir le statut de superstar et il sera même le premier rappeur solo à participer au festival Lollapalooza la même année.
Sûrement le meilleur rappeur ayant émergé de la West Coast mais que très peu cité parmi les meilleurs de l’histoire. Pourtant, sa discographie parle pour elle-même ! Il en est fini de ce premier article sur Ice Cube, le champion de l’Ouest. RDV dans peu de temps pour savoir qui est le champion de l’est. Indice : il y aura beaucoup de funk, beaucoup de fumée et beaucoup de rouge…