Je ne sais pas quoi penser de Benjamin Epps…
Alors que j’écoutais tranquillement l’incroyable playlist Young Wave, créée avec le label Jeune À Jamais et mettant en avant 33 morceaux avec des jeunes artistes prometteurs, je tombe assez vite sur un titre qui interpelle mon oreille. Rapidement, je reconnais donc Benjamin Epps et son morceau Plié en 5. On l’avait déjà vu être pas mal partagé via le titre Kennedy en 2005 et force est de constater que c’est toujours agréable de voir des nouveaux noms entrer dans la scène médiatique. Malgré tout ça, impossible de me réjouir de ces extraits ; qui ne me décevaient pas non plus pour autant. Pourtant, en tant que podcasteur chevronné ou « commentateur sans talent » comme dirait l’autre, j’ai normalement l’habitude de donner un avis tranché sur ce qui fait la pluie et le beau temps dans le rap français. Avoir un avis fixe et établi sur les tendances ainsi que sur le travail des artistes fait presque partie de mon contrat de travail. C’est censé être une des cordes basiques de mon arc mais là j’ai juste un carquois sans aucune flèche. Face à cette impossibilité à trancher, j’ai décidé de me pencher davantage sur le cas Benjamin Epps.
“Côte-Ouest pistolet”
Le premier point qui me dérange et qui est mentionné dans l’espace des commentaires de chacun de ses clips sortis récemment, c’est la proximité musicale qu’il entretient avec le membre émérite de Griselda : Westside Gunn.
Puiser plus ou moins subtilement dans le pétrole du rap US pour alimenter son moteur francophone est une des bases du genre et on est plutôt accoutumés à ce genre de pratiques. Habituellement, parmi les influences qu’on retrouve chez nos rappeurs, on peut souligner soit un type d’instrumentales assez proche et semblable soit des duplicatas de flows plus ou moins bien exécutés. Encore une fois, si c’est assez discret, généralement ça passe.
Ici, chez Benjamin Epps, on sent qu’il aime tellement cette école de rap qu’il est devenu quasi impossible pour l’auditeur de ne pas être perturbé par la filiation. Le timbre de voix plutôt aigu, le type de productions boom bap, et surtout les ad-libs sont également des éléments repris par notre cher Benjamin. Même si les anciens qui utilisaient l’expression « flow jacker » ne sont plus de ce monde, ce mot finit par trotter dans nos têtes à chaque réécoute.
Au niveau des thèmes, on reste assez loin de la ville de Buffalo et les rimes sur la ventes de drogues et autres fusillades sont remplacées par des tacles sur les autres rappeurs et par de l’egotrip assez traditionnel. Si ce dernier point peut être motivant, cela pose une vraie question sur son identité musicale et sur l’intérêt potentiel d’écouter “un sous-Westside Gunn”.
Tout à jeter ?
L’idée n’est pas de tirer sur l’ambulance car tout d’abord, il ne faut pas oublier que ça reste un jeune artiste, qui se construit. On a souvent tendance à les vanner assez rapidement alors qu’ils n’ont simplement pas encore digéré leurs influences. En y réfléchissant, quand il s’agit de sous-Young Thug ou des imitateurs de Mobb Deep, on y est au final assez habitué. Ici, l’esthétique Griselda est si puissante que la “copie” pourrait presque être risible. Cette vague prend de plus en plus d’ampleur depuis au moins cinq ans donc c’est cohérent qu’elle finisse par humidifier les pieds de nos rappeurs. Au moins, dans son flow jacking, il aura été original.
D’autant plus que c’est loin d’être un mauvais rappeur. En voyant les clips sur sa chaîne Youtube, j’étais d’ailleurs surpris du fait qu’il arrive avec un produit si « fini ». En creusant un peu, on peut remarquer qu’il rappe déjà depuis quelque temps et qu’il avait déjà ce grain de voix particulier (ainsi qu’un goût pour le boom bap). Seulement, il variait davantage les styles de prods sur lesquels il posait.
Au final, C’est un artiste qui peut être très prometteur dès lors qu’il commencera à vraiment varier les ambiances sur lesquelles il va rapper. Ses références “à la Française” (de Kennedy aux membres d’1995) amènent justement une couche assez particulière à sa musique, qui peut faire la différence. Si le niveau des productions (s/o Just Music Beats) maintient ce niveau et si on lui laisse le temps de se trouver alors il pourra transformer l’essai et nous montrer de quoi il est vraiment capable.
Sans être une “erreur de jeunesse” car il l’incarne assez bien au final, je reviens au point de départ où je ne sais toujours pas quoi tirer comme conclusion sur notre cher Benjamin. Sur la balance, y’a autant d’arguments qui font que je l’apprécie son travail et de détails qui me “rebutent”. Tout ce que je sais c’est que j’ai hâte de voir la suite et de le voir évoluer au fil du temps, avec ses propres références et des influences plus digérées.