Interview Coelho
Avec son rap aussi personnel qu’efficace, le prodige nantais Coelho a su se faire remarquer sur les radars des passionnés de rap. Alors qu’il a sorti le très bon SE7EN en début d’année et que la suite est imminente, on a discuté avec lui à l’occasion de son passage au festival Hip Opsession à Nantes.
Cul7ure : Salut Coelho, merci de nous accorder cette interview. Ça a une saveur particulière de jouer dans ta propre ville ?
Coelho : Ouais forcément, un peu plus qu’autre part j’imagine. J’ai plus de renommée ici, je suis en confiance, je sais qu’il peut y avoir ma famille, mes amis. Ça me fait plaisir de jouer à Transfert, sous un chapiteau, c’est quelque chose que j’avais pas fait jusqu’ici.
7C : Tes morceaux sont produits par ton frère Bedar, tes clips sont réalisés par le collectif nantais Slasher Vision. Tu as l’impression qu’il y a une effervescence artistique singulière à Nantes ?
C : J’ai commencé le son avec plein de gens qui ont plus ou moins arrêté, je pense que le temps a fait le tri pour retenir les gens qui ont vraiment envie de le faire et qui en attendent plus. Il se passe des choses, mais peut-être qu’on manque d’horizon, qu’on se dit que personne n’a réussi à sortir d’ici, que les labels ne nous regardent pas. Mais comme dans plein de villes en France, des choses se passent, plein de gens se mettent à faire du son, du rap, des clips. Je suis content d’avoir trouvé les gens avec qui je bosse.
7C : Ton projet SE7EN est sorti en février, tu as l’impression d’avoir passé un cap avec cette sortie ?
C : Je pense un peu, après c’est des petites étapes à chaque fois, un peu plus de monde nous connaît. On passe à la marche supérieure mais on reste assez bas dans l’escalier, il nous reste énormément de choses à faire.
7C : On sait que tu tiens ton nom de l’auteur Paulo Coelho, qui t’as notamment inspiré avec L’Alchimiste. Comme le personnage du livre, tu as l’impression d’être en train d’écrire ta légende personnelle avec tes sorties récentes ?
C : Je participe chaque jour à construire ce truc là tu vois, depuis que j’ai commencé, que j’ai envie d’en vivre. Tout fait partie de ça, je saurais quand j’aurais vraiment accompli ce que voulais. En attendant, tous les jours je suis dans ce chemin là, on est en plein dans les travaux, ça avance !
7C : On l’a mentionné, c’est ton frère Bedar qui produit toute ta musique jusqu’ici. Qu’est-ce qui fait votre alchimie et comment vous vous influencez mutuellement ?
C : Notre alchimie vient déjà du fait qu’on soit frère, on a une facilité à se parler et à se comprendre, on a été influencés par les mêmes choses dans notre enfance. Après là où on s’influence différemment, c’est dans ce qu’on écoute aujourd’hui. Je pense que j’écoute plus de rap que mon frère, même s’il en écoute beaucoup, mais il écoute aussi des trucs comme Yussef quelque chose…
7C : Yussef Dayes ?
C : Yes je crois que c’est ça ! Mon frère se régale là dessus, je kiffe aussi mais j’irai pas écouter ça tout seul, il me faut un chanteur, un rappeur, un interprète. Du coup on va sur des terrains différents, on combine nos influences et ça donne des mélanges cools. On part de la même base mais on peut se proposer des choses différentes aujourd’hui.
7C : Sur Action, l’intro de SE7EN, tu dis « Donne moi tous tes flows j’vais te PartyNextDoor-iser ». Outre le fait que la phase soit marrante, elle souligne ton soin pour les mélodies et les flows percutants. C’est quelque chose auquel tu attaches beaucoup d’importance ?
C : Ouais, franchement de fou ! J’aime trop topliner en faisant que du yaourt américain juste pour avoir la mélodie qui reste en tête et qui me prenne. C’est presque ce que je préfère. Quand je suis chez moi et que je reçois une prod, le moment où je cherche la bonne mélo et que ça vient direct, c’est trop lourd. Je peux écouter la topline en boucle même si elle veut rien dire, c’est un exercice que j’aime beaucoup.
7C : Le titre SE7EN, c’est bien sûr un clin d’œil au film culte de David Fincher. Tu dirais que le cinéma c’est quelque chose qui t’influence, dans ta manière d’écrire, dans tes visuels ?
C : Ça peut même m’influencer dans la vie, ça peut te faire comprendre certains trucs, te faire réfléchir. L’imagerie des films peut me donner des idées pour les clips, et puis des réfs dans l’egotrip à un manga ou autre. J’aime me faire transporter par un film, ne plus être le même en sortant de la salle. Je trouve ça cool et important dans la création.
7C : Tu as dit avoir conçu SE7EN comme une sorte de collection de singles. Tu te verrais revenir vers des projets plus narratifs comme Philadelphia, ta première sortie ?
C : En fait j’aime bien enchaîner les morceaux forts les uns après les autres, que chaque morceau de SE7EN puisse avoir l’impact d’un titre porteur de l’EP. Même si les morceaux ne se suivent pas forcément dans le propos, ils parlent d’une même période de ma vie, des mêmes questionnements. Avec Philadelphia il y avait un fil rouge avec une histoire de relation, mais là c’est pas quelque chose que j’ai prévu de refaire. Mes prochains titres, par exemple, sont dans la même ambiance, la même DA. Encore et mon prochain morceau sont liés par exemple dans l’ambiance, les sonorités. Je recherche plus une cohésion musicale sans me mettre trop de barrières dans le propos.
7C : Tu évoques souvent les taffs alimentaires que tu fais, dans des bangers comme dans des morceaux plus introspectifs. Ce genre d’écriture très ancrée dans le quotidien, c’est ce qui te touche le plus ?
C : J’ai plus l’habitude d’écrire des trucs sur ma vie, alors forcément ça revient un peu même dans l’egotrip. C’est pour ça aussi que j’aime bien Isha, qui peut te ramener à pleins de choses personnelles en une phrase. En egotrip, entre une réf cinéma ou quoi, il y aura toujours un moment ou je parlerai de ma vie en essayant de tourner de manière stylée ou drôle. C’est mon exercice, pas trop de fiction.
« Faire de la musique simple, c’est grave compliqué. »
7C : Avec Encore, l’un de tes derniers morceaux, on ressent comme une urgence de sortir de ces « taffs de merde » une bonne fois pour toutes.
C : C’est sûr, on a pas envie que ça traîne. Ça fait deux projets qu’on sort en période de COVID, du coup on voit qu’on est plus suivis, que les chiffres augmentent, mais y’a zéro concert, rien de physique. Avant on sortait un projet puis on rencontrait des gens, là il y avait une frustration, parce qu’on voit pas la concrétisation de notre boulot, à part des chiffres et des « Ouais lourd gros » en DM et des story. C’est lourd mais il faut que la vraie vie complète ça.
7C : L’ambition de vivre de ta musique influence ton processus créatif ou tu essaies de t’en détacher quand tu fais de la musique ?
C : Ce serait mentir que de dire que je l’ai pas en tête, ça dépend du pourcentage que tu donnes à ça. Pour l’instant, j’ai jamais eu à sortir un morceau que j’aimais pas. J’ai appris à simplifier ma formule avec le temps : mon rap, mes mélodies, même les structures des morceaux. Mais c’est quelque chose que moi j’ai envie de faire parce que je comprends pourquoi certains morceaux auraient pu mieux marcher. Et j’ai pas encore fait de be-tu ! Je trouve que maintenant mes morceaux sont plus simples à comprendre, en étant aussi bien, même mieux selon moi. Ils me correspondent autant tout en étant mieux réalisés, je le fais aussi pour que mes titres marchent. Faire de la musique simple, c’est grave compliqué. C’est plus facile de faire un truc hyper complexe et se dire « si ils comprennent pas, ils sont en retard » que de s’avouer qu’il faudrait enlever des choses.
7C : Je sais que tu es fan de RnB, tu te verrais te rapprocher encore davantage de ce style là ?
C : J’aime beaucoup, je pense juste pas avoir la voix. Et puis j’aime trop rapper, alors je pense rester dans un truc hybride, pas RnB non plus parce que j’ai pas le niveau. Je commence à capter les notes que je suis capable de faire, avec un petit autotune pour que ça glisse, un truc hybride à la Drake, plutôt que Chris Brown ou Usher.
7C : Tu sais déjà à quoi ton prochain opus va ressembler ?
C : Marabout et Encore sont sur le prochain projet, on va sortir trois EP de cinq titres entre novembre et avril. Le but c’est d’être là régulièrement, avec des singles entre les projets pour promouvoir le truc, avoir toujours de l’actu. Donc ouais on part sur un triptyque d‘EP avec des titres, covers et des ambiances qui se suivent.
7C : Qu’est ce que je peux te souhaiter pour la suite ?
C : Que du plus hein ! Plus de concerts, plus de gens qui nous suivent, plus de projets, on va tout faire pour en tous cas.
Merci à Coelho et à l’équipe du festival Hip Opsession.