Interview de Falcko
Avec une longue carrière à son actif et un grand nombre de projet, Falcko est un artiste phare de la scène Rap parisienne et indépendante. Il nous a accordé cette très bonne interview dans laquelle il revient sur sa carrière et sur ses projets à venir.
Cul7ure : Bonjour à toi, pour commencer est-ce que tu pourrais te présenter pour ceux qui ne te connaîtraient pas ?
Falcko : Bonjour, se présenter en quelques mots ce n’est pas mon fort. Les morceaux parleront mieux que moi de ce que je suis et ce que je fais. En bref je suis rappeur indépendant (ou autoproduit selon la signification qu’on accorde à l’indépendance) depuis le début de ma carrière avec plusieurs albums dans les bacs à mon actif.
Cul7ure : L’indépendance est-elle un choix ? N’est-il pas beaucoup plus difficile de faire sa carrière en indé plutôt qu’avec l’appui d’une maison de disque ?
F : Je te répondrai ni oui ni non. Je suis actuellement en indé, si demain une proposition sérieuse apparaît avec un contrat qui convient aux 2 parties je ne dirai pas non mais jusqu’à maintenant les propositions faites ne m’ont pas satisfaites. Pour le moment je suis bien comme ça.
Il est clair qu’être indépendant demande beaucoup de motivation, de sacrifices, de patience et de détermination. Tu ne te bats pas avec les mêmes armes. Seul c’est plus difficile.
Premièrement les portes qui s’ouvrent aux autres ne s’ouvrent pas pour toi. Tu n’as ni les contacts ni le piston nécessaire. Chaque petite étape que tu veux franchir faut batailler 10 fois plus c’est un délire. Tu te dois de compter sur toi, sur tes capacités, sur tes connaissances et sur l’argent car ta carrière ne va pas se bâtir toute seule. Tu investis sur toi-même donc à combien évalues-tu la somme qui sera représentative du talent que tu penses posséder ? Es-tu en mesure d’investir sur toi même sans impacter ta vie personnelle ?
Je ne peux pas te résumer la carrière d’un indépendant en quelques phrases. À toi de savoir quel combat tu veux mener, comment tu veux le mener et si tu penses en sortir vainqueur ou non. Les indés ont plus d’armes qu’à l’époque grâce à l’apparition des réseaux sociaux. Il faut savoir les utiliser et investir intelligemment. Le rap est un « sport de riche » lorsque tu es indépendant. Cela coute déjà cher si tu fais ça par passion mais alors si en plus tu le fais avec l’ambition de concurrencer d’autres artistes là va falloir y mettre des grosses sommes. Tu peux sortir le meilleur album de l’année, si derrière il n’y a aucune stratégie commerciale ton album il va faire Disque de plastique et tu seras en perte. Ce n’est pas mon cas et je suis reconnaissant envers mon public pour ça mais je sais que de nombreux artistes indés en sont encore là et ce n’est pas un choix facile à assumer.
F : Être en indé sur le long terme c’est une partie d’échecs, t’avances pas à pas et t’es jamais sûr d’avoir bougé le bon pion. Ce qui m’a vraiment marqué depuis le début de ma carrière ce n’est pas la prise de décisions mais les gens qui constituent le milieu. La vitesse à laquelle ils te tournent le dos, leur hypocrisie et leur manque de reconnaissances sont impressionnants, pourtant j’en ai vu des dingueries mais dans la musique c’est un autre niveau. J’ai côtoyé des personnes (hors artistes) dans le rap qui ont démarré en bas avec qui je parlais bien. Pourtant dès que ces personnes sont montées, au lieu de t’ouvrir la porte elles l’ont refermé derrières elles. C’était pourtant les premières à te demander des RDV quand elles n’étaient pas encore ce qu’elles sont aujourd’hui. Il y en a une ; chaque rendez-vous qu’elle m’a propose j’y suis allé par principe, radio, distrib, etc… Le jour où elle est partie bosser en maison de disque j’en ai plus entendu parler à part une fois où elle a répondu à un message sur insta en speed juste par courtoisie tu connais. Des histoires comme ça, j’en ai plein mais t’as capté l’essentiel, donc si j’ai un seul conseil à donner c’est de pas calculer et d’avancer. Ces gens là ils reviendront quand tu seras incontournable, en attendant charbonne dans ton coin et ferme ta gueule.
Cul7ure : C’est assez rare de te voir en interview, qu’est ce qui a pu te donner envie de répondre à nos questions ? Une envie de partager ta musique encore plus ?
F : On vit dans une société qui pense que chacun veut briller. Je ne suis pas un adepte de cette ambition car pour moi briller n’amène qu’à s’éteindre. On peut être heureux sans briller. On peut être connu et apprécié sans briller. On peut réussir sa vie sans briller ! Tu verras toujours quelques individus sur les réseaux sociaux dire en parlant d’un artiste « vas-y lui il n’a pas percé il pue la merde ». Ces gens là ne connaissent pas le bourbier que c’est d’être en indé et ne se demandent pas si le mec en question voulait aller plus haut ou pas. Puis c’est quoi percer ? À partir de combien de ventes perce-t-on ? Quel contrat a été signé par l’artiste ? À combien estime-t-on ses royalties ? Quels sont ses bénéfices ? Gagne-t-il plus en étant signé en major que s’il était indépendant ? Combien de personnes touchent un pourcentage sur ses bénéfices ? Quels sont ces pourcentages ? Autant de questions qui resteront sans réponse car ces personnes là parleront toujours d’un univers qu’ils ne maitrisent et ne connaissent pas.
Ta parole définit souvent qui tu es, tes écrits également, choisir ses mots est important. Cela reflète quel genre d’individu tu es. Si tu veux mener une vie tranquille et faire ton argent tranquillement n’essaie pas de descendre ton prochain gratuitement car tu sais souvent comme cela commence mais rarement comment cela termine.
Pour ma part si un public plus large m’écoute tant mieux mais quand je regarde le nombre d’artistes qui galèrent à avoir une fan base solide je me dis que ce que j’ai réalisé est déjà pas mal. Visons plus loin mais de manière intelligente.
Je pense tout simplement qu’arriver à un certain stade de sa carrière il faut apprendre à interagir avec son public de manière à ce que ce dernier voit à travers toi ce qu’il ne perçoit pas forcément à travers ta musique. Je ne me qualifierai pas comme asocial au plus haut niveau mais je ne suis pas non plus le genre d’artiste qui aime s’exhiber pour tout et pour rien. Les réseaux ont pris une place très importante dans le milieu, de nombreux artistes émergent chaque jour, certains talentueux d’autres moins mais je ne veux pas être de ceux qui postent tout et n’importe quoi juste pour faire l’actualité. Je ne veux pas parasiter mon public, je veux que celui-ci se sente proche de ce que je suis et non de celui que je pourrai laisser paraitre. À trop poster on finit par jouer un rôle, on cherche des moyens de dire à des gens qui n’en n’ont rien à foutre « eh j’suis là ! ».
Le marketing des réseaux doit se faire de manière stratégique mais ne doit pas te faire oublier tes principes. Ma musique doit parler pour moi mais je m’accorde sur la nécessité des interviews. Je le dois à mes supporters et c’est une étape dans le développement d’une carrière, mais tu ne me verras pas relayer toute la journée via les réseaux. Je suis là pour faire de la musique et non du cinéma.
Cul7ure : Sur ton dernier projet on a personnellement été surpris positivement de la direction que tu prenais musicalement sur certains titres. Le morceau “LTT » par exemple ou bien même “Le monde est à nous » où tu semble plus libre et plus à même de chanter. On peut s’attendre à ce que tu explore encore plus cette partie créative de ta musique pour les futurs projets ?
F : Chanter je n’irai pas jusque là. J’ai une voix mais je n’ai jamais pris de cours de chant et je ne pense pas avoir ni les qualités ni l’envie de chanter sur tout un morceau. Pousser un peu plus la voix parfois si cette émotion doit se dégager du texte oui mais sans en faire plus que ce qu’il n’en faut.
Cul7ure : Tu es dans le Rap depuis un long moment mais tu ne t’es finalement jamais mélangé avec d’autres artistes confirmés. Volonté de t’entourer uniquement des gens que tu connais ou manque d’occasions ?
F : Le milieu du rap est un milieu complexe est fermé. Le piston y tient une grande place comme pour tout. Tu peux très vite monter comme très vite redescendre selon tes contacts, tes relations. Il y a ceux qui vont faire des featuring parce qu’untel connait untel ou parce que c’est le buzz du moment, d’autres vont rapper ensemble car ils se connaissent. Je comprends leur démarche par intérêt, certains te diront que ce n’est que du business mais je n’ai pas cette vision des choses. Ce que je vais dire n’est que mon avis et n’engage que moi mais je vois le Rap comme une classe de collège, beaucoup de rappeurs sont des maquerelles , font un morceau ensemble puis se critiquent ensuite etc . Je me considère comme ce mec que tu avais au fond de la classe avec ses écouteurs qui n’en avait rien à foutre des dernières rumeurs. Il était dans la même pièce que toi car il n’avait pas d’autre choix .Tu ne savais pas ce qu’il pensait de toi mais au moins tu avais la garantie que ce qu’il entendait te concernant ça ne rentrait pas une oreille et sortait par l’autre. Je ne suis pas pour la critique négative inutile. S’il n’y a rien de constructif alors ferme ta gueule, merci.
Si je ne t’aime pas, je ne t’aime pas et si je ne t’aime pas je ne te parle pas. La classe est assez grande pour que tu ne viennes pas me parasiter et vis vers ça. Parle moi de toi, ne me parle pas des autres. Si j’ai envie d’en apprendre sur les autres j’ai des jambes pour aller les voir et des oreilles pour les écouter.
Il y a des rappeurs comme Sofiane avec qui j’ai eu des bons rapports. Nous avions même posé un morceau ensemble. Ce dernier n’est pas sorti pour une raison que j’ignore mais ce n’est pas une mauvaise chose car lui et moi sommes des compétiteurs et avons pour but de toujours être plus fort. Ce morceau ne reflétait ni son véritable talent ni le mien. Je ne suis donc pas fermé aux collaborations mais si cela doit se faire cela se fera avec des gens qui ont mon respect tout simplement. Je pense que le respect mutuel est la base de toute bonne relation. La vie est courte, je vais peut-être mourir demain alors si je dois perdre du temps autant que ce soit avec des personnes que je respecte et qui me respectent également.
Cul7ure : Est-ce que certains rappeurs ont pu t’influencer avant ou pendant ta carrière ? Et actuellement, qu’écoutes-tu ?
F : L’ironie concernant mon « métier » c’est que je suis quelqu’un qui écoute peu de musique. Je n’ai pas de style particulier, je n’ai pas d’artiste préféré.
J’aimerais un jour trouver l’artiste qui fait que j’apprécie tout son répertoire mais ce n’est pas encore le cas, il existe surement mais je n’ai pas pris le temps de le chercher. Pour te dire les morceaux que j’écoute en ce moment sont All Alone de David O’Dowda , Nightcall de Kavinsky , Jocelyn Flores de XXXtentacion. J’ai également écouté le dernier album de Fianso avec une préférence pour les morceaux tels que Cramé, T’es une galère et Coluche.
Cul7ure : Sur l’article qu’on a fait sur toi il y a 2 ans on parlait d’un “rappeur cinéaste”, tant les images sont fortes. Y aura-t-il toujours la présence de ces extraits de films en intro et en outro ? Et d’où t’es venu cette idée ?
F : Je voulais donner une âme à mes projets et que les personnes comprennent mon univers sans que j’aie besoin de parler 4h. Rien de mieux que de choisir des passages qui m’ont marqué.
Pour moi un morceau doit dégager quelque chose, s’il n’a pas d’âme il n’est pas bon. Il faut que l’auditeur sans bouger se retrouve transporter comme si tu lui dessinais le morceau. Lieu, véhicule, temps, personnes, etc. ; comme s’il regardait un film sauf que les images sont dans sa tête et que tu as 4 minutes pour lui décrire l’univers le plus précisément possible . Je ne vais pas en boite de nuit, je ne me considère pas comme un rappeur ambiançant.
Evidemment tu peux m’écouter en allant au sport, tu peux aussi m’écouter posé sur ton lit, mais c’est clair que j’ai actuellement très peu de morceaux qui seraient jouable en boîte par conséquent je dois être un des meilleurs si ce n’est le meilleur dans mon domaine et mon domaine c’est décrire le plus précisément possible une situation, une histoire, une relation etc. Tu peux rapper la rue (et d’autres choses) sur un putain de piano. J’aime varier les univers mais il faut garder son style.
Cul7ure : Sur cette même idée d’un rap très imagé tu as pas mal de sons style storytelling. D’autres morceaux dans ce genre à venir ?
F : Je n’écris que ce qui m’inspire. Tu peux te retrouver avec 4 morceaux storytelling comme 1 seul dans l’album. Cela dépend de ce qui se passe durant l’écriture de l’album. Par exemple, Black Roses n’était pas prévu dans l’album, je l’ai écris la veille du mixage du projet à 4h du matin et au final c’est un des morceaux les plus appréciés voir même le plus apprécié de l’album concerné.
Cul7ure : Malgré ce Rap imagé tu as finalement peu de visuels, sur ces projets pouvons nous nous attendre à plus de clip ?
F : Il serait difficile d’en faire moins. Les 2 derniers sont sortis sans clip. Je ne veux pas m’avancer mais il devrait y en avoir 3, 4 pour celui-ci. En parallèle j’ai travaillé moi-même sur les instrumentales, chose que je ne faisais pas auparavant, afin que l’univers apporté à cet album soit le plus proche possible du mien. Il était important pour moi de passer ce cap car par le passé j’ai souvent dû rapper sur des instrumentales qui ne m’inspiraient pas par manque de temps et écrire dans ces conditions m’insupporte. Il faut que dès que j’entends les 20 premières secondes de l’instrumentale les mots et le décor viennent seuls sinon c’est poubelle direct. J’écris très vite, je ne supporte pas de perdre du temps.
Cul7ure : Pour ceux qui ne te connaîtraient pas, quels morceaux ou quel projet leur conseiller d’écouter en priorité ?
F : Tu ne peux pas conseiller un auditeur ou futur auditeur. Il y a plus de 7 milliards d’êtres humains sur Terre. Chaque être humain est unique même si beaucoup de moutons marchent cote à cote. Je ne peux pas me permettre de te donner un projet ou un morceau à écouter en particulier car mes goûts et les tiens ne sont pas les mêmes. De plus un morceau que tu n’aimes pas aujourd’hui tu pourrais l’aimer dans 2 ans en te disant « ma vie à changée, je comprends mieux ce morceau maintenant, ça me parle ! ». Tu me mets donc dans une situation difficile et la meilleure façon de réagir à ce genre de situations c’est d’être neutre.
Cul7ure : Merci de nous avoir accordé un moment pour répondre à nos questions. Pour conclure peux-tu nous dire quand sortira le prochain album ?
F : Le prochain album sera gratuit à l’inverse des autres. Il sortira morceau après morceau. Initialement prévu pour Mars, la première diffusion se fera en Avril car j’avais besoin d’un peu plus de temps pour réaliser les clips.
Veuillez également retrouver ci-joint le lien pour participer au financement de l’album de Falcko et à la réalisation de ses clips : http://kck.st/2HO0fIM