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Disiz – Lucide, puis le renouveau

Disiz – Lucide, puis le renouveau

Loin du succès récent de L’Amour, porté notamment par le titre RENCONTRE en featuring avec Damso, revenons 10 ans en arrière, lorsque celui qui avait annoncé sa fin de carrière en 2009 revient, avec une nouvelle formule. Dès Disiz the End, Disiz la Peste n’est plus, l’artiste introduit le personnage de Peter Punk dans l’outro de l’album et s’éloignera des standards du rap de l’époque pour sortir un projet hors des sentiers battus, décrit comme rock en 2010. Dans le ventre du crocodile était un retour à l’enfance, en total décalage avec le reste de sa carrière, cette parenthèse, qui n’était pas annoncée comme telle, ne durera pas longtemps. Le rappeur est donc de retour dès 2012 sous le nom, simplifié, de Disiz. Il arrive donc sur la scène rap avec Lucide, EP de 8 titres, bien ancré dans cette époque et qui a son importance pour une partie du public.

A sa sortie, c’est un petit évènement. Petit car Disiz, depuis J’pète les plombs, a toujours eu du mal à convertir l’essai. Les albums qui ont suivi Le Poisson Rouge ont tous de belles qualités, avec également quelques fulgurances, de gros featurings et des titres intemporels resteront mais il n’arrivera pas à se hisser à la hauteur de l’héritage laissé par les nombreux rois sans couronne que l’on a l’habitude d’encenser. Il revient donc dans un contexte nouveau, la concurrence n’est plus la même, une nouvelle garde a su s’imposer via l’avènement des réseaux sociaux faisant également peu à peu changer l’industrie et les modes de consommation. Disiz semble avoir bien compris là où il atterrissait car c’est précisément le public de cette nouvelle génération qu’il va réussir à convaincre. Plutôt que de revenir avec un discours qui cherche à reconquérir ses anciens fans, Lucide apporte de la fraîcheur. 

Ce retour est précédé par le début de la mini-série de clip sur Youtube Le vendredi c Sizdi, levier fréquemment utilisé à cette époque. Le poids d’un gravillon et Shadow Boxing, lui permettant de teaser Lucide sont terriblement efficaces et amorcent ce retour de la plus belle des façons. Le projet s’ouvre et se ferme par des titres plutôt originaux et réussis, Toussa Toussa et Validé, sur lequel avec 1995, ils se risquent à suivre Grems dans son univers (comme à l’époque du groupe Rouge à Lèvres). Entre les deux, on ressent surtout chez Disiz une envie de rapper. L’énergie qu’il met dans ce projet traduit la frustration d’avoir arrêté mais aussi la volonté de s’y remettre et de tout casser. Ce qui rend le projet vraiment homogène en termes de qualité. Le clip de Moïse a marqué les esprits, la cinquième édition de Bête de bombe est également un très gros titre malgré le succès d’estime du numéro 4. Globalement, la courte durée de Lucide sert à rendre efficace un projet qui permet à Disiz de se réintroduire dans le paysage rap du début de la décennie 2010 avec brio. On sent qu’il est venu pour s’imposer sur la durée et pour dépasser le plafond de verre qu’il a pu se fixer sur la décennie précédente. Disiz fait ce qu’il aime et cela s’entend.

Au moment où je n’y croyais plus, c’est comme une nouvelle naissance.

Disiz – Un frigo, un cœur et des couilles

Ce projet est le premier d’une trilogie à demi-mot annoncée dans Un frigo, un cœur et des couilles. Avec sa marque Galvanized et l’image de la pilule rouge de Matrix, qu’il applique sur toutes sortes de produits (bombers, bonnets etc.), Disiz développe un univers spécifique autour de cette image. En effet, Lucide amènera à Extra-lucide puis Transe-lucide. Si le dernier opus est plus difficile à appréhender, cette trilogie lui aura permis d’imposer sa présence avec un gros rythme, les trois projets étant sortis en l’espace de 2 ans. Lucide sera ainsi à la base d’un arc fondateur dans la néo-carrière de Disiz, lui permettant notamment d’aller chercher un double feat avec Mac Miller, sur un remix de Toussa Toussa puis un remix de Loud, titre issu de Macadelic, mixtape du rappeur de Pittsburgh. Ces deux titres sont à compter parmi les très belles collaborations franco-américaines et garde une saveur particulière, même 10 ans plus tard.

Dans l’ensemble, Lucide présente un réel renouveau, à la fois temporel, artistique, mais aussi aux yeux du public. Suite à la période ouverte par ce projet, il saura faire ressortir son âme d’enfant développée durant sa parenthèse rock, aux côtés de ses qualités de rappeur. On peut citer par exemple l’un des premiers succès grand public de sa seconde partie de carrière : Le rap c’est mieux, qui tournera énormément lors  de l’été 2013. Il continuera malgré tout d’innover dans sa façon de créer et de voir la musique et gardera ce goût pour les albums thématiques. 



Finalement, si Lucide pouvait nous faire croire qu’il a réussi à ménager la chèvre et le chou sur ce qu’il a envie de proposer au public, 10 ans plus tard, on observe clairement l’inverse. Disiz est et restera un artiste éclectique, n’hésitant pas à approfondir très largement un univers dans un projet et à changer du tout au tout sur le suivant, quitte à perdre littéralement tout le monde. Si en 2012, sa volonté pouvait être de reconstruire son image de rappeur, il a finalement choisi de ne plus chercher l’approbation du public. En effet, dans Lucide, ce que l’on ressent le plus c’est son envie, sa dalle et son énergie. Rapper le démangeait, on sent qu’il avait envie de performer, de s’amuser, de s’essayer, de se renouveler, et surtout de se confronter. Fort d’une longue carrière durant laquelle il a pu parfois s’éparpiller et perdre un peu le fil, cette fois-ci on ressent une volonté de foncer, sans trop réfléchir et ça donne un environnement sonore assez varié sur Lucide mais aussi autour du projet.