Aujourd’hui, j’ai réécouté Flip…
Cinq heures du matin, je suis pas déchiré sur les faubourgs comme dirait l’autre mais je m’apprêtais à aller au taff. Avant de m’y hâter, je tombe sur un tweet d’un membre de l’équipe (allez follow @Tagasma sur Insta) qui parlait d’aller faire des sessions skate à 5 heures du matin avec une dégaine vestimentaire sortie tout droit des 90s. J’me suis naturellement dit que c’était un tweet qu’aurait pu écrire Lomepal avant d’être connu. Du coup, aujourd’hui, j’ai réécouté Flip et ça m’a inspiré cet article.
Flip, c’est la conclusion de 25 ans de vie
Flip, c’est donc le premier album de l’artiste au coeur de cette chronique improvisée : Lomepal.
Le projet est sorti il y a seulement deux ans, ce qui n’est pas si long pour le commun des mortels. En revanche, dans le rap (Français), deux années, c’est énorme. Dites-vous qu’il y a deux ans, Niska venait de balancer le clip de “Réseaux”, Booba s’entendait encore avec Damso et des gens faisaient encore des dabs.
Comme je l’ai dit au-dessus, ce projet est donc le premier album de Lomepal. C’est important d’insister dessus car sa carrière était déjà fournie ; avec un peu plus d’une demie-dizaine de projets à son actif. Des projets solos, des collaborations, des essais, le tout parsemé d’un amour inconditionnel pour la musique d’Eminem distillé en plusieurs easter eggs au fil des EP.
Flip, c’est la conclusion de 25 ans de vie dans laquelle il y évoquait trois de ses passions majeures : le rap, les femmes & le skate mais aussi des fragments de vie plus personnels (s/o Sur le Sol). Plus j’y réfléchis, plus je me dis que ce projet aura peut-être le même impact qu’a pu avoir un projet de la Sexion d’Assaut ou un Perdu D’avance sur les gens de ma génération. Après son succès, j’ai d’ailleurs remarqué que l’album était sociologiquement intéressant car c’était peut-être l’ultime clou dans le crâne des gens qui pensaient que le rap n’était écouté que par des noirs avec des Timberland et des durags. S’il fallait faire un parallèle (que je fais souvent car le film mérite d’être vu), c’est un peu comme dans Mid90s. Flip, c’est comme la deuxième partie du film lorsque le personnage de Sunny Suljic découvre et fait découvrir au spectateur l’univers qui gravite autour du skate. Le film n’incite pas spécialement à faire pareil ou à devenir un Thrasher aux cheveux trop longs mais dévoile plutôt une nouvelle façon de vivre et un état d’esprit assez différent.
Ce qui fait la qualité des bons albums, c’est très souvent la dose avec laquelle les artistes se livrent vraiment. C’est même ce détail qui fait que les premiers albums souvent meilleurs que les seconds. Après avoir vidé son sac et mis toute son âme dans un projet, c’est compliqué de le refaire. C’est comme mettre tout son coeur dans une peinture pour qu’un mec en costume te dise “C’est cool ce que tu fais, tu peux recommencer mais cette fois en un an ou deux”. Certains y arrivent, d’autres passent leur carrière à courir après le succès du premier projet. (no offense, Doc Gyneco).
Jamais un aussi bon rappeur n’avait vraiment fait de skate,
Lomepal – Bryan Herman.
Jamais un vrai skateur n’avait été aussi fort en rap
Au-delà du fait que le projet ne ressemble à rien de préexistant (à ma connaissance), il incarne une certaine “nostalgie” ; une époque où Lomepal était encore un jeune rookie qui devait encore faire ses preuves. Il n’était pas encore dans le cliché bobo de l’artiste “qui fait plus (+) que du rap”. Il faisait du son, il faisait du rap, c’était cool et basta. On peut faire tous les memes et toutes les vannes sur ce qu’il est devenu mais rapologiquement, le projet est solide et y’a une vraie personnalité. Le problème, c’est que sur l’album qui suivra, Jeannine, il va vouloir refaire des choses qu’il avait déjà fait (forcément en moins bien). Par exemple, dans la plupart des interviews, il expliquait qu’il voulait provoquer une sorte de turnover inattendu avec certaines phases pour surprendre. Dans Jeanine, c’était donc :
Ma Grand-mère était folle… Sans blague.
Lomepal – Beau la folie.
Alors que dans Flip, les turnovers de ce style avaient plus de sens et était beaucoup plus surprenant et impactant.
T’es-tu déjà dit que la mort de ta mère te ferait du bien?… Moi, oui. Pourtant qu’est-ce que je l’aime.
Lomepal – Sur le Sol.
Pour finir avec la comparaison, mélodiquement, Jeannine sonne mieux et le travail sur les mélodies est plus efficace. Cependant, l’habillage musical et les passages chantés, quant à eux, sont mieux réussis sur le premier volet. En fait, c’est un peu comme Matrix, le premier part d’une idée et autour de cette idée, c’est la mise en scène et l’originalité de l’interprétation qui vont donner lieu à des scènes impressionnantes. Du coup, on découvre des scènes qui ne ressemblent à rien alors que Matrix Reloaded a dû obligatoirement respecter l’héritage du premier et conserver certains éléments tout en essayant d’être original. Au final, le plus mauvais reste le troisième opus donc espérons que le prochain album de Lomepal ne sera pas un Matrix 3. (ou Retour Vers le Futur 3). Au final, le projet fera son bonhomme de chemin et la pochette ira même jusqu’à inspirer des phases à d’autres rappeurs.
Comme dans Kombat Mortal, je leur arrache l’épine dorsale
Carson – 300 Seudi.
Trouve-moi avec une connasse, qui est maquillée comme Lomepal
Excepté nos albums de coeur et les blockbusters des 2010s, c’est assez rare de réécouter des albums fraîchement sortis.
Comme le soulignent ces incroyables chiffres comptés manuellement par nos soins, le flot des sorties d’albums est croissant. Si on veut être à jour chaque vendredi, il faut donc disposer de beaucoup d’énergie et de temps. Par conséquent, la durée de vie des albums est souvent précipitée et on finit même par voir de bons albums tomber dans l’oubli. Évidemment, certains renégats relous vont dire qu’ils écoutent Flip tous les jours mais c’est pas comme si ça m’intéressait.
En y repensant, c’est même assez cocasse de voir que même si le projet a été porté par le hit Yeux disent, on voit facilement avec du recul que le morceau n’avait pas vocation à être un tube. Le succès du projet est même arrivé plusieurs mois après la sortie de l’album. Le passe-passe avec 2fingz reste toujours aussi percutant et me confirme même qu’avant la sortie de son projet, Népal va sortir un album incroyable. (Aucun rapport mais je pourrai dire que je l’avais dit #FcNépal depuis 444 nuits). Flip c’est “l’album de l’immaturité” via le prisme de l’adolescence alors que Jeanine est plutôt le reflet de la réflexion avec moins “d’improvisation” et de lâcher-prise. On n’était pas présents pour savoir lequel des deux projets il a préféré créer mais on pense avoir notre idée. En tout cas, on vous laisse aller réécouter ces deux oeuvres qui, malgré leurs défauts respectifs permettent de mieux comprendre une facette du rap actuel.