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Zoom sur tobi lou

Bien qu’il enchaîne depuis maintenant quelques années les morceaux rap aux sensibilités pop qui ont tout pour devenir des tubes, tobi lou reste un rookie relativement méconnu au sein d’un game qui semble plus saturé de jour en jour. Introduction à un artiste décomplexé sorti tout droit d’un dessin animé. 

La scène rap de Chicago a été particulièrement marquante au long de la décennie qui vient de s’achever. On retient évidemment la mouvance autour de la Chicago Drill, représentée par des mastodontes tels que Fredo Santana, Lil Durk et évidemment Chief Keef. Ce style sombre et frontal a choqué le monde du rap en relatant le quotidien des quartiers de la ville, tristement surnommée Chi-raq. Il n’a pas fallu attendre longtemps avant que la jeunesse de Chicago s’affirme également dans un style différent, préférant la positivité et les morceaux légers aux récits de Traphouse et de Gangbanging. Chance The Rapper s’est imposé comme la tête d’affiche de ce contre-courant avec sa mixtape Acid Rap en 2013, présentant le portrait d’un jeune homme bien plus ordinaire, un peu à la manière d’un Kanye avec son College Dropout dix ans auparavant.

Derrière lui, les très talentueux Noname, Saba et Smino, pour ne citer qu’eux, ont incarné la nouvelle école de Chicago aux antipodes du phénomène drill. Bien que sa musique se démarque considérablement des artistes cités, il est logique de considérer tobi lou comme la continuité de cette vibe douce et ensoleillée made in Chicago. C’est d’ailleurs l’excellent morceau Troop, aux côtés de Smino, qui lui a valu en 2018 une première exposition considérable. 

Né au Nigeria et arrivé aux Etats-Unis à l’âge de deux ans, Tobi Adeyemi aka tobi lou grandit à Chicago et voit ses parents s’acharner au travail pour s’en sortir. Adolescent, il se passionne pour Kanye West et décide de commencer à rapper. Il se destine initialement à une carrière dans le baseball mais se voit forcer d’abandonner cette perspective suite à une blessure aux tendons. 

A l’époque, Chance et Vic (Mensa) commençaient à exploser, on avait la Drill mais je ne savais pas vraiment ou était ma place, j’avais du mal à trouver ma voie

Source : Tobi Lou chez Mass Appeal.

Après une longue période de maturation où tobi recherchait sa singularité artistique au milieu de tout ce qui sortait de Chicago pendant qu’il remplissait son frigo grâce à ses courses Uber, il trouve son propre style et sort ses premiers morceaux en 2016. Les tracks Game Ova et Txt Me lui ont notamment apporté un début de notoriété. On retrouve déjà les caractéristiques de son univers qu’il développera par la suite : un sens aigu des mélodies et des flows qui rend sa musique lumineuse et addictive, puis l’influence majeure des cartoons sur sa direction artistique aux couleurs éclatantes.

Après tout, c’est un peu ça la sensation que provoque la musique de tobi lou : la joie, le confort et l’émerveillement que nous procuraient les dessins animés de notre enfance. Ici, il parvient à le retranscrire en format musical. Que ce soit dans ses lyrics qui font référence à Sailor Moon et Steven Universe, ses clips entièrement ou partiellement en animation, l’imagerie des cartoons est indissociable de son univers, il déclare même vouloir créer son propre dessin animé autour du son alter-ego animé que l’on retrouve dans ses clips et sur ses pochettes. En plus de cela, il se distingue par une écriture très imagée, souvent épurée mais riche en jeux de mots et en rimes touchantes et millimétrées. 

Dans tout ce qu’il fait, tobi affirme sa volonté de se démarquer et d’avoir une proposition artistique inédite. « Dans cette industrie, c’est difficile de faire ton propre truc sans regarder à droite et à gauche » Depuis ses premiers morceaux, tobi a enchainé les projets de qualité avec les EPs tobi lou and the moon, tobi lou and the Loop et tobi lou and the juice au cours de l’année 2018. Son plus gros succès à ce jour reste Buff Baby, une très bonne introduction à son style qui a gagné en viralité sur Twitter et TikTok grâce à son refrain super efficace et son clip coloré inspiré d’Adventure Time.

Après 3 EPs franchements réussis, tobi lou s’est essayé au long format l’année dernière avec son très bon album Live On Ice qu’il considère comme son premier véritable projet. Ce step-up conséquent a été réalisé sous la tutelle du légendaire No I.D., producteur ayant accompagné les débuts de carrière de Common ou encore Kanye West, présent ici en tant que producteur exécutif de l’album. Ou découvre dans ce projet l’exceptionnel hymne estival Waterboy ou encore des morceaux plus low-key voire emo comme Sometimes I Ignore You Too et le touchant Like My Mom.

Au long des 20 pistes qui composent l’album, tobi expose sa joie de vivre et ses insécurités en restant toujours rafraîchissant et en élargissant l’univers qu’il avait présenté jusqu’alors. Il accompagne l’album de clips hauts en couleur et très soignés. En interview, il explique vouloir aller le plus loin possible dans ses visuels, à la manière des clips de Busta Rhymes et Missy Elliot qui ont marqué son enfance. 

Cette année, tobi a déjà gâté ses fans avec une série de singles de haut niveau et l’excellent EP LINGO STARR dans un ton légèrement différent de ce qu’il a fait jusqu’ici. Tobi ne prévoit pas de ralentir la cadence puisqu’il annonce déjà la sortie d’un nouvel album intitulé Parrish Blue en octobre qui solidifiera probablement sa place parmi les newcomers les plus intéressants du rap américain. S’il ne jouira peut-être jamais de la popularité d’un Kanye ou d’un Chance The Rapper, tobi s’affirme comme un artiste complet qui contribue à porter le flambeau du rap feel-good de Chi- Town. Alors que l’été est sur le point de s’achever, il paraît impératif de ne pas passer à côté de ce bijou du rap outre-atlantique pour accompagner le reste des beaux jours.