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Mais le rap c’était vraiment mieux avant ?

Mais le rap c’était vraiment mieux avant ?

Réponse Courte : Non

Réponse un peu plus longue et construite : 

Alors, si tu lis cet article, c’est que la curiosité t’anime. Arrivé dans les années 90, le rap et son influence n’ont jamais cessé de croître. A l’époque, ce qui faisait fureur c’était une voix, une instru boom bap et un texte conscient. Avec ces trois ingrédients, tu pouvais avoir ta place dans n’importe quel groupe de rap. Bientôt 30 ans plus tard, cet art est toujours aussi présent et Dieu sait qu’il a évolué. Pourtant, aussi surprenant que cela puisse paraître : beaucoup continuent de penser que « le rap c’était mieux avant ». Ce slogan, souvent scandé en masse se retrouve être totalement erroné. Dans le précédent article Pourquoi Fabe plait-t’il aux puristes ? , on parlait déjà de ces personnes-là donc nous n’allons pas revenir dessus. Cependant, même si je n’ai pas la prétention de changer quoi que ce soit avec cet article, je vais tenter de montrer aux plus réfractaires que : le rap c’est mieux aujourd’hui.

Entrons dans le vif du sujet. Sur ses dix dernières années, le rap hexagonal s’est réellement diversifié. On retrouve une palette immense de genres de rap, disons des sous-genres musicaux mais aussi une immense palette de nouveaux visages. Autant à l’époque, la scène française pouvait tourner autour d’une cinquantaine d’artistes, aujourd’hui, on en retrouve au moins le triple. Chacun apporte sa pierre à l’édifice et l’enrichit en y apportant sa personnalité ainsi que son style. Auparavant, on avait une réelle polarisation du rap franco-français. Avec le temps, les frontières se sont ouvertes peu à peu notamment grâce à une médiatisation plus marquée. C’est la raison pour laquelle on recense une « nouvelle » vague de rappeurs du Luxembourg, de Belgique Le rap Français se délocalise – Le cas du Rap Belge ou encore d’autres pays francophones comme le Canada.

De plus, depuis l’avènement d’Internet à la fin des années 90, pour tous les fans de hip-hop, il est beaucoup plus facile d’enrichir sa culture rap et de découvrir des artistes du monde entier. Certes, le rap français a su puiser son inspiration dans divers pays mais pas seulement ! Il a aussi appris à s’inspirer et à extraire des idées d’autres genres musicaux. La question est posée sérieusement : Quel genre musical a pu se mélanger autant que le rap ? On retrouve du rap avec des samples de Disco, de funk, de jazz, de blues, de rock (même de metal ou même de la musique traditionnelle japonaise). Le rap et par extension le mouvement hip-hop ont su s’adapter pour perdurer.

Ça fait 20 ans qu’ils disent que le rap est mort alors qu’en vrai il pète la forme !

Ladéa – Dernier MC Remix.

Comme disait Akh dans une interview pour Yard « Aujourd’hui, tout le monde peut aller chercher le rap qu’il aime ». (et Alkpote disait « Même les bourgeois ont leurs rappeurs maintenant ») Une chose encore impensable à l’époque. Il existe un éventail si grand que je trouve inconcevable de ne pas aimer le rap en 2017. Aujourd’hui, c’est quasi mission impossible de résumer le rap en l’assimilant à tel ou tel artiste. Que ce soit du rap « club », du rap militant, du ‘rap-pop’ ou du gangsta rap… il ne faut pas oublier qu’ils font TOUS partie intégrante du rap. C’est d’ailleurs un truc de journaliste d’appeler ça « rap de iencli », etc.. En tout cas, c’est devenu pluridisciplinaire et s’il est « le genre musical préféré des français », c’est parce que c’est un des seuls genres musicaux qui a su se renouveler sous autant de formes différentes sans perdre sa fibre originelle.

Je comprends que certains se demandent comment un certain pan de la scène rap a-t-il pu prendre tant de distance avec ses pairs. Pourtant la réponse est plutôt simple. Certains oublient une chose assez évidente et qui ne saute pas aux yeux de tous. Quand on reproche à un artiste de ne pas faire comme « les anciens », premièrement vous négligez le fait qu’un artiste puisse gérer sa musique comme il le désire mais surtout vous oubliez que pour un artiste, l’intérêt de faire ce qui a déjà été fait ou de faire comme untel ou untel est souvent futile et lassant. Ainsi, c’est une raison qui explique pourquoi le rap « engagé » a un peu moins de place aujourd’hui. Au grand dam de certains. Si c’était si bien fait, pourquoi le refaire en moins bien ? De plus, beaucoup de nouveaux artistes n’ont pas spécialement de revendications acerbes envers l’état ou autres et enfin certains anciens sont toujours là pour le faire et le font très bien.

Pour conclure, le rap français a parcouru un long chemin mais est toujours aussi vif et dynamique. Il a su évoluer avec son temps notamment grâce à de nouveaux protagonistes qui lui donnent vie. Le rap actuel va beaucoup plus loin et ne se cantonne pas à un certain « type de rap ». La mentalité de ce que les anciens appellent la « nouvelle école » évolue aussi. Beaucoup plus d’entraide, de soutien et de collaboration par rapport à une époque où primait essentiellement la compétitivité. De plus, beaucoup de rappeurs sont très polyvalents dans le sens où ils gèrent tout eux-mêmes : que ce soit de la composition de leurs prods au mixage de leurs sons. Certains sont d’ailleurs d’excellents beatmakers, sollicités outre-Atlantique.

Par ailleurs, le beatmaking français connait une recrudescence intéressante. On oublie parfois que les beatmakers contribuent énormément dans le processus de création de certains titres. Pourtant ils sont là, tapis dans l’ombre J’ai écrit cet article parce que je vois encore trop de « Le rap c’était mieux avant » de gens qui critiquent le manque de sens dans les textes ou encore l’ouverture d’esprit alors que c’est eux qui portent des œillères. La mauvaise foi prime alors qu’une bonne partie des rappeurs ont réussi à transmettre le goût des lettres voire des figures de styles ou tout simplement l’amour des mots aux plus jeunes.

Si les anciens ne laissent pas les plus jeunes prendre leur place, comment notre art pourra-t-il se renouveler ?

Jazzy Bazz – Le Roseau (Sample de The Grandmaster).

Enfin, si avec tous ces arguments, vous pensez encore que le rap était mieux avant, qu’on ne sait plus composer des morceaux qui tiennent la route et bien je vous invite à rester sur les sites de streaming tel que Spotify ou Deezer à réécouter les « classiques du rap français » mais évitez de tirer dans les pattes des jeunes rappeurs qui mettent du cœur à l’ouvrage. Beaucoup respectent énormément et ont toujours pour modèles « vos » modèles, justement. Suffit de voir le nombre de références et de samples dans certains textes. D’ailleurs, au lieu de les opposer constamment, pourquoi ne pas apprécier et tolérer les deux ? Pour terminer, je finirai avec une petite citation que Jazzy Bazz avait samplé dans Le Roseau.

.@oxmopuccino a un message pour vous : pic.twitter.com/31J18xhRzx

— #VRF (@Vrairapfrancais) 12 janvier 2016