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Le rap va-t-il perdurer ?

Écrit le 5 novembre 2018 par Anne dans Dossiers

Le rap va-t-il perdurer ou son évolution va-t-elle véritablement le transformer en la nouvelle variété française ? Est-ce que les codes, les traditions rapologiques vont encore se transmettre de génération en génération ? Le rap, définit de manière générale comme étant « Rythm And Poetry » va-t-il garder sa poésie ou la musicalité va-t-elle prendre l’ascendant sur tout le reste ? Est-il possible que le rap puisse atteindre le sommet sans changer son identité propre ? Mais au fond, qu’est-ce que le rap?

Voilà les principales questions qui tournent en boucle dans ma tête en ce moment. Pour quelqu’un qui écrit des articles sur le rap, le fait de se demander si le rap va perdurer paraît absurde, mal venu. Il est évident que cela m’arrangerait de dire que bien sûr que le rap va perdurer et sa transformation ne dénaturera pas son identité profonde, initiale… Cependant, la réponse à cette question n’est pas si évidente que cela. Tout d’abord, il est important ici, plus que jamais, de bien faire la distinction entre le rap et le hip-hop en général. Cet article traitant uniquement du rap.

Kofs - Là-haut 

Le rap a, dès ses débuts, développé sa propre identité en s’imprégnant de nombreuses influences provenant de différentes parties du monde et arrivées en France grâce à l’immigration notamment. Créant ses propres codes, ils ont été transmis de génération en génération. Les nouveaux ont d’abord copié les anciens pour ensuite s’en émanciper; comme pour prouver qu’ils savaient rapper de manière traditionnelle avant de montrer qu’ils étaient également dotés de nouvelles capacités.

Aujourd’hui nous scandons haut et fort que « le rap est la musique préférée des français ». Il n’est plus une musique de niche, est devenu très populaire. Tout le monde écoute du rap, peut importante d’où tu viens et quel âge tu as, il y a au moins un morceau que tu apprécies dans ce style de musique. De plus, le rap est vraiment considéré comme un style de musique à part entière ce qui n’était pas tellement gagné à l’époque… Par ailleurs, comme phrase qui revient très souvent lorsque la discussion a pour sujet l’expansion de cette musique, nous avons également « le rap est en train de devenir la nouvelle chanson française » et remplacerait donc la variété dans notre pays. Bonne ou mauvaise chose ? Ni l’une, ni l’autre. Si cela n’avait pas été le cas, certaines personnes diraient que nous ne sommes toujours pas entendus, écoutés, reconnus à notre juste valeur et d’autres se complairaient dans cette situation voulant garder le rap pour eux, entre eux. Aujourd’hui, cette musique est présente partout, dans n’importe quel milieu social et il y a encore des gens qui trouvent quelque chose à redire. A chacun son point de vue, nuancé ou non… Après tout, on a le droit de penser ce que l’on veut.

Mais, que l’on soit d’accord ou non, une chose est sûre et c’est un fait : le rap a énormément changé depuis sa création. Que ce soit en matière de flow, d’instrus, d’influences ou de thématiques, le rap français a connu une véritable transformation depuis les années 2000. A ses débuts, son identité était principalement caractérisée par des instrus dites « boom-bap » avec peu voire pas de refrains. Les textes étaient primordiaux, un véritable culte était voué à la plume. Les morceaux étaient des morceaux plus longs que la moyenne, avoisinant plus les 5/6 minutes que les 2/3 actuelles. A l’époque, mise à part ta ville d’origine qui t’apportait un phrasé plus ou moins atypique, il y avait peu de différences entre les rappeurs, peu de diversité dans le rap en général. Son identité était alors d’autant plus frappante parce que bien que les rappeurs fussent moins nombreux, ils entretenaient une certaine unité entre eux non dans leurs gestes ou dans leurs actes mais surtout dans la manière dont ils concevaient cette musique naissante. Aujourd’hui, ce type de rap existe encore.

Cependant, lorsque l’on prend le rap dans sa globalité, les rapports semblent s’inverser. Alors qu’à ses débuts l’instru paraissait secondaire, aujourd’hui, on affirme que la prod fait au moins 50% d’un bon morceau (ne me dis pas que tu n’as jamais entendu que le succès de Réseaux de Niska était surtout dû à l’instrumentale choisie et à la top line). La musicalité prend donc une place de plus en plus importante, au détriment de la plume et des messages transmis. Dans ce sens, nous pourrions dire que le rap en lui-même ne perdurera pas dans le temps.

Niska - Réseaux

Toutefois, le rap ne se définit pas seulement à travers une plume recherchée et des instrus minimalistes. En effet, on dit également que le rap est le miroir de notre société, qu’il reflète l’évolution sociale du pays auquel il appartient. Sa dimension sociale (dont le sujet fera l’objet d’un article prochain) est autant importante aujourd’hui qu’hier. Je ne vais pas m’étaler plus que cela sur le sujet car ce serait trop long mais pour faire bref : l’utilité sociale du rap n’a pas disparu aujourd’hui, elle a simplement évoluée à l’instar du rap dans sa globalité. Le rap a pris son essor en France car il a trouvé chez elle une jeunesse oubliée, exclue, souhaitant se faire entendre et trouver sa place grâce au partage dans une société individualiste et capitaliste.

Que le rappeur veuille, ou non, transmettre un message à son public ne semble donc pas être une caractéristique indispensable quant à la définition du rap en général. Dans ce sens, la perdition du rap est alors impossible. En effet, quel que soit le type de rap que l’artiste fait, il veut dans tous les cas que sa musique touche un plus grand nombre de personnes, il souhaite voir son public s’élargir et s’unir autour de mêmes paroles, de mêmes gimmicks et expressions. Alors peu importe le choix de la prod, les paroles véhiculées : le partage est l’élément fondateur de cette musique et anime la carrière de chaque artistes, quels que soient ses choix artistiques.

Naza - P*tain de m*rde

Après avoir exposé les différents points de vue constructifs sur la question, il faut que j’apporte une réponse et donc que je tranche. Pour cela, ma conclusion sera totalement personnelle et purement subjective. La vôtre sera certainement complètement différente. Sans surprise, je pense que le rap va perdurer dans notre société. Je dis cela, non seulement parce que je suis passionnée de cette musique et du mouvement auquel elle appartient et je ne vois pas quoi ni comment on pourrait remplacer le vide que le rap laisserait s’il était amené à disparaître. Mais là n’est pas mon seul argument. L’évolution du rap n’est en aucun cas synonyme de perdition. Il ne faut pas oublier que le rap est le genre de musique le plus jeune dans notre société et il faut le voir, l’appréhender, comme un adolescent ou un jeune adulte essayant de démarrer dans la vie. Des choix sont fait, bons ou mauvais. Des tentatives sont effectuées ; réussies ou ratées, là n’est pas la question.

Le rap évolue, prend des risques comme il l’a toujours fait et comme j’espère le fera toujours. Cette musique ne s’est jamais reposée sur ses acquis, a toujours aspiré à plus, à quelque chose de meilleur qui à être incomprise, mise à l’écart. Elle l’a fait à ses prémices, le fait encore aujourd’hui et c’est là pour moi toute la définition de l’identité du rap. Alors que la musicalité soit primordiale ou non, que les textes constituent ou non les fondements de cette musique, là n’est pas l’importance. L’important c’est que le rap continue à prendre des risques, à sortir tout plein de gamins qui rêvent de grandir et ce, de n’importe quelle manière qui soit.

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