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Sofiane le démystificateur ?

Sofiane le démystificateur ?

Six mixtapes et trois albums à son compteur, le rappeur Sofiane, apparu au grand public en 2016, multiplie les projets. Affirmant un acharnement pour parvenir à faire du rap son métier, une volonté de se renouveler sans cesse et un perfectionnisme certain, le rappeur de 32 ans s’est imposé sur la scène rap française comme un porte parole des jeunes des banlieues. Si il endosse ce rôle un peu malgré lui, il le fait  à la perfection et promeut une ouverture de la société. 93 Empire, le Cercle, égérie pour Adidas , festival d’Avignon, Fianso ne cesse de multiplier les apparitions culturelles depuis un peu plus d’un an. Pour lui, il n’existe ni culture bourgeoise, ni culture urbaine, il existe seulement la Culture, ouverte et décloisonnée. Retour sur la fin du mythe « deux classes, deux cultures ».

Un promoteur de l’ouverture

Son dernier projet 93 Empire, album fait avec les rappeurs phares du 93, dépeint la volonté de collaboration et de mixité dans son travail. Il revendique dans cet opus sa position de rappeur en marge de la société, acceptant alors l’image traditionnelle que l’on donne aux partisans du hip-hop. Sa collaboration avec NTM en est d’ailleurs l’exemple le plus prenant, reprenant la célèbre mal interprétée phrase de Paris sous les bombes. Tout en portant la veste traditionnelle du MC, il montre aussi son opposition aux étiquettes . En produisant au côté de Vald un morceau comme Iencli, il met en avant un rap qui ne supporte pas les catégories. Cette démarche s’inscrit dans la lignée de l’émission qu’il présente depuis 2017, Le Cercle. Cette rencontre de différents rappeurs venant présenter leur travail s’est imposée comme réel ascenseur pour la carrière des artistes. Et c’est encore une occasion pour Fianso de promouvoir une image ouverte du rap et, avec lui, de la culture. Entre musique revendicatrice et collaborations prônant l’ouverture, Fianso fait du rap un art à ne pas prendre à la légère !

Un artiste complet, ou la fin du rappeur marginalisé

Toutes ses démarches s’inscrivent dans un mouvement plus général de démocratisation de la culture rap. On invite de plus en plus de rappeurs sur les plateaux télés et à la radio. La presse écrite, aussi mainstream soit-elle, s’attarde elle aussi sur le phénomène. Le célèbre quotidien Le Monde publie des articles, des entretiens et même des Unes sur les pionniers du hip-hop. Un constat revient néanmoins continuellement : dans toutes ces démarches est mise en avant l’image du rappeur savant, qui se démarque de ses pairs car il est cultivé. Sofiane semble au contraire apprécier différemment ce mouvement. Il affirme qu’il s’oppose au mythe d’une culture bourgeoise, promue par les médias traditionnels. Il défend alors la position d’un art complet, qu’il ne faut pas sous estimer. Il ne porte pas à lui seul la parole d’un rap ouvert et culturellement décomplexé, mais il participe à sa démocratisation. Récemment invité sur France Inter à une heure de grande audience, il n’a pas hésité à s’adresser à l’enfant des blocs qu’il était. Le rappeur dit qu’il a  « souffert d’un QI supérieur à (s)on code postal », tout en s’imposant avec fierté sur les ondes de la France traditionnelle. 

Tout le monde peut réussir

Si il travaille à ce que le rap se démocratise dans la culture, la réciproque est aussi vraie. Il essaie de transmettre une culture universelle et non duale. Le rap n’est d’ailleurs pas son seul champ d’action. En tête d’affiche de  Gatsby le magnifique au festival d’Avignon en Juillet dernier, Fianso a surement ouvert le théâtre à des gens qui n’y vont pas.  Bien plus encore, il a aussi montré aux amateurs de France Culture – partenaire de la représentation – que l’on peut rapper et jouer des classiques dans l’univers de Jean Vilar. Il déclarait lors d’un entretien à la radio qu’il avait pour livre de chevet Le Discours de la méthode de Descartes, de quoi faire rager les puristes de la culture bourgeoise.  « Cela t’apprend la vie », disait-il. Persuadé que la culture est le but de l’Homme, il explique que son rap est avant tout un hommage à la langue française, qu’il aime manier entre le paradoxe des références et expressions des banlieues. En finir avec le dénigrement des rappeurs par rapport aux autres formes d’écritures, c’est aussi ça, l’oeuvre de Sofiane. 

Finalement, le message que veut nous faire passer Fianso est simple : avec la culture, tout le monde est égal. Loin des chichis imposés par la tradition d’une culture élitiste, l’artiste revendique son entrée dans la cours des grands grâce aux savoirs. Le mythe traditionnel qui consiste à dire qu’il existe autant de cultures qu’il existe de catégories sociales n’a plus lieu d’être. L’homme cultivé n’est pas celui qui naît riche et favorisé, l’homme cultivé est celui qui pense. A travers le rap, à travers la lecture, à travers des insomnies ou à travers le cinéma qu’importe ! Le savoir est une arme, et Fianso nous le rend bien !